Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

jours celles où se trouve le meilleur charbon : celui de la partie supérieure est toujours plus maigre et plus léger, et à mesure que les rameaux de la veine approchent plus de la surface de la terre, le charbon en est moins compact, et il paraît avoir été altéré par la stillation des eaux[1].

Dans ces vingt-trois veines, il y en a huit de très bon charbon, dix de médiocre qualité, et cinq qui donnent une très mauvaise odeur par la grande quantité de pyrites qu’elles contiennent ; et, comme l’une de ces veines pyriteuses se trouve être la dernière, c’est-à-dire la vingt-troisième, on voit que les pyrites, qui ne se forment ordinairement qu’à de médiocres profondeurs, ne laissent pas de se trouver à plus de douze cent quatre-vingts pieds liégeois dans l’intérieur de la terre, ou mille soixante-treize pieds de Paris ; ce qui démontre qu’elles y ont été déposées en même temps que la matière végétale qui fait le fond de la substance du charbon.

On voit encore, en comparant les épaisseurs de ces différentes veines, qu’elles varient depuis sept pouces jusqu’à cinq pieds et demi, et que celle des lits qui les séparent varie depuis vingt et un pieds jusqu’à quatre-vingt-dix-huit, mais sans aucune proportion ni relation des unes aux autres. Les veines les plus épaisses sont les troisième, quatorzième, dix-neuvième, vingt-deuxième, et la plus mince est la sixième.

Au reste, dans une même montagne, et souvent dans une contrée tout entière, les veines de charbon ne varient pas beaucoup par leur épaisseur, et l’on peut juger dès la première veine de ce qu’on peut attendre des suivantes ; car, si cette veine est mince, toutes les autres le seront aussi. Au contraire, si la première veine qu’on découvre se trouve épaisse, on peut présumer avec fondement que celles qui sont au-dessous ont de même une forte épaisseur.

Dans les différents pays, quoique la direction des veines soit partout assez constante et toujours du levant au couchant, leur situation varie autant que leur inclinaison ; on vient de voir que, dans celui de Liège, elles se trouvent pour ainsi dire à toutes profondeurs. Dans le Hainaut, aux villages d’Anzin, de Fresnes, etc., elles sont fort inclinées avant d’arriver à leur plateur, et se trouvent à trente ou trente-quatre toises au-dessous de la surface du terrain, tandis que, dans le Forez, elles sont presque horizontales et à fleur de terre, c’est-à-dire à deux ou trois pieds au-dessous de sa surface ; il en est à peu près de même en Bourgogne, à Montcenis, Épinac, etc., où les premières veines ne sont qu’à quelques pieds. Dans le Bourbonnais, à Fins, elles se trouvent à deux, trois ou quatre toises, et sont peu inclinées, tandis qu’en Anjou, à Saint-George, Chatel-Oison et Concourson, où elles remontent à la surface, c’est-à-dire à deux, trois et quatre pieds, elles ont dans leur commencement une si forte inclinaison qu’elles approchent de la perpendiculaire ; et ces veines, presque verticales à leur origine, ne font plateur qu’à sept cents pieds de profondeur.

Nous avons dit[2] que les mines d’ardoise et celles de charbon de terre avaient bien des rapports entre elles par leur situation et leur formation : ceci nous en fournit une nouvelle preuve de fait, puisqu’on Anjou, où les ardoises sont posées presque perpendiculairement, les charbons se trouvent souvent de même dans cette situation perpendiculaire.

  1. « Il y a deux espèces de charbon : le premier gras, compact, luisant et lent à s’enflammer, mais qui, l’étant une fois, donne un feu vif, une flamme blanche, et jette une fumée épaisse… Cette espèce est la meilleure, et est appelée charbon de pierre… On ne trouve ce bon charbon que dans la profondeur, où il conserve une portion plus considérable de bitume qui le rend plus compact et plus onctueux… La seconde espèce de charbon est tendre, friable et sujette à se décomposer à l’air ; il s’allume facilement, mais sa chaleur est faible… Sa situation superficielle est cause qu’il a perdu la partie la plus subtile de son bitume. » Mémoire sur le charbon minéral, par M. de Tilly, p. 5 et 6.
  2. Époques de la nature, tome II.