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la dissolution par un peu de chaleur, et on la rend complète en renouvelant deux ou trois fois l’eau-forte, qu’on fait même bouillir avant de la séparer de l’or, qui reste seul au fond du vaisseau, et qui n’a besoin que d’être bien lavé dans l’eau chaude pour achever de se nettoyer des petites parties de la dissolution d’argent attachées à sa surface, et, lorsqu’on a obtenu l’or, on retire ensuite l’argent de la dissolution, soit en le faisant précipiter, soit en distillant l’eau-forte pour la faire servir une seconde fois.

Toute masse dont on veut faire le départ par cette voie ne doit donc contenir que deux cinquièmes d’or au plus sur trois cinquièmes d’argent ; et dans cet état, la couleur de ces deux métaux alliés est presque aussi blanche que l’argent pur, et, loin qu’une plus grande quantité de ce dernier métal nuisît à l’effet du départ, il est au contraire d’autant plus aisé à faire que la proportion de l’argent à l’or est plus grande : ce n’est que quand il y a environ moitié d’or dans l’alliage qu’on s’en aperçoit à sa couleur qui commence à prendre un œil de jaune faible.

Pour reconnaître au juste l’aloi ou le titre de l’or, il faut donc faire deux opérations : d’abord le purger au moyen du plomb de tout mélange étranger, à l’exception de l’argent, qui lui reste uni, parce que le plomb ne les attaque ni l’un ni l’autre ; et, ensuite, il faut faire le départ par le moyen de l’eau-forte. Ces opérations de l’essai et du départ, quoique bien connues des chimistes, des monnayeurs et des orfèvres, ne laissent pas d’avoir leurs difficultés par la grande précision qu’elles exigent, tant pour le régime du feu que pour le travail des matières, d’autant que par le travail le mieux conduit on ne peut arriver à la séparation entière de ces métaux ; car il restera toujours une petite portion d’argent dans l’or le plus raffiné, comme une portion de plomb dans l’argent le plus épuré[1].

  1. Pour faire l’essai de l’argent, on choisit deux coupelles égales de grandeur et de poids ; l’usage est de prendre des coupelles qui pèsent autant que le plomb qu’on emploie dans l’essai, parce qu’on a observé que ce sont celles qui peuvent boire toute la litharge qui se forme pendant l’opération ; on les place l’une à côté de l’autre, sous la moufle, dans un fourneau d’essai ; on allume le fourneau, on fait rougir les coupelles, et on les tient rouges pendant une demi-heure avant d’y rien mettre…

    Quand les coupelles sont rouges à blanc, on met dans chacune d’elles la quantité de plomb qu’on a déterminée, et qui doit être plus ou moins grande, suivant que l’argent a plus ou moins d’alliage ; on augmente le feu en ouvrant les portes du cendrier jusqu’à ce que le plomb soit rouge, fumant et agité d’un mouvement de circulation, et que sa surface soit nette et bien découverte.

    On met alors dans chaque coupelle l’argent réduit en petites lames, afin qu’il se fonde plus promptement, en soutenant toujours et même en augmentant le feu jusqu’à ce que l’argent soit bien fondu et mêlé avec le plomb… L’on voit autour du métal un petit cercle de litharge qui s’imbibe continuellement dans la coupelle, et à la fin de l’essai, le bouton de fin, n’étant plus couvert d’aucune litharge, paraît brillant et reste seul sur la coupelle ; et si l’opération a été bien conduite, les deux essais doivent donner le bouton de fin dans le même temps à peu près : au moment que ce bouton se fixe, on voit sur sa surface des couleurs d’iris, qui font des ondulations et se croisent avec beaucoup de rapidité… Il faut avoir grande attention à l’administration du feu, pour que la chaleur ne soit ni trop violente ni trop faible ; dans le premier cas, le plomb se scorifie trop vite et n’a pas le temps d’emporter toutes les impuretés de l’argent ; dans le second cas, et ce qui est encore pis, il n’entre pas assez dans la coupelle… mais la chaleur doit toujours aller en augmentant jusqu’à la fin de l’opération… Quand elle est achevée, on laisse encore les coupelles au même degré de chaleur pendant quelques moments, pour donner le temps aux dernières portions de litharge de s’imbiber ; après quoi, on les laisse refroidir doucement, surtout si le bouton de fin est gros, pour lui donner le temps de se consolider jusqu’au centre sans qu’il crève d’autre côté, ce qui arriverait s’il se refroidissait trop vite ; enfin il faut le détacher de la coupelle avant qu’elle ne soit trop refroidie, parce qu’alors il se détache plus facilement.

    On pèsera ensuite exactement les deux boutons de fin, et, si leur poids est le même, l’essai