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de corne comme dans le quartz ; mais la vraie pierre de corne étant d’une formation postérieure à celle du quartz, l’or qui pourrait s’y trouver ne serait lui-même que de seconde formation. L’or primordial, fondu ou sublimé par le feu primitif, s’est logé dans les fentes que le quartz, déjà décrépité par les agents extérieurs, lui offrait de toutes parts, et communément il s’y trouve allié d’argent[1], parce qu’il ne faut qu’à peu près le même degré de chaleur pour fondre et sublimer ces deux métaux : ainsi l’or et l’argent ont occupé en même temps les fentes perpendiculaires de la roche quartzeuse, et ils y ont en commun formé les mines primordiales de ces métaux ; toutes les mines secondaires en ont successivement tiré leur origine quand les eaux sont venues dans la suite attaquer ces mines primitives, et en détacher les grains et les parcelles qu’elles ont entraînés et déposés dans le lit des rivières et dans les terres adjacentes ; et ces débris métalliques, rapprochés et rassemblés, ont quelquefois formé des agrégats, qu’on reconnaît être des ouvrages de l’eau, soit par leur structure, soit par leur position dans les terres et les sables.

Il n’y a donc point de mines dont l’or soit absolument pur, il est toujours allié d’argent ; mais cet alliage varie en différentes proportions, suivant les différentes mines[2], et dans la plupart, il y a beaucoup plus d’argent que d’or ; car, comme la quantité de l’argent s’est trouvée surpasser de beaucoup celle de l’or, les alliages naturels, résultant de leur mélange, sont presque tous composés d’une bien plus grande quantité d’argent que d’or.

Ce métal mixte de première formation est, comme nous l’avons dit, engagé dans un roc quartzeux auquel il est étroitement uni : pour l’en tirer, il faut donc commencer par broyer la pierre, en laver la poudre pour en séparer les parties moins pesantes que celles du métal, et achever cette séparation par le moyen du mercure, qui, s’amalgamant avec les particules métalliques, laisse à part le restant de la matière pierreuse ; on enlève ensuite le mercure en donnant à cette masse amalgamée un degré de chaleur suffisant pour le volatiliser, après quoi il ne reste plus que la portion métallique, composée d’or et d’argent[3] ; on sépare enfin ces deux métaux, autant qu’il est possible, par les opérations du

  1. En Hongrie, on rencontre assez souvent des mines d’argent qui contiennent une portion d’or si considérable, que, par rapport à l’argent qu’on en tire, elle monte jusqu’à un quart. M. de Justi, cité dans le Journal étranger, mois de septembre, année 1756, p. 45.
  2. Pline parle d’un or des Gaules qui ne contenait qu’un trente-sixième d’argent : en admettant le fait, cet or serait le plus pur qu’on eût jamais trouvé. « Omni auro inest argentum, vario pondere ; alibi denâ, alibi nonâ, alibi octavâ parte : in uno tantùm Galliæ metallo, quod vocant albicratense, tricesima sexta portio invenitur, et ideo cæteris præest. » Lib. xxxiii, cap. xxi.
  3. L’or se trouve rarement seul dans une mine ; il est presque toujours caché dans l’argent qui l’accompagne ; et pour le tirer de sa mine, il faut le traiter d’abord comme une mine d’argent… Ce précieux métal est souvent si divisé dans les mines, qu’à peine peut-on s’assurer par les essais ordinaires qu’elles tiennent de l’or,… et souvent il faut attendre que la mine ait été fondue en grand pour essayer par le départ l’argent qui en provient. Les mines de Rammelsberg, près de Goslar dans le Hartz, peuvent servir ici d’exemple : elles tiennent de l’or, mais en si petite quantité, que le grain ne peut se trouver par l’essai, puisque le marc d’argent de ces mines ne donne que trois quarts de grains d’or ; et il faut fondre ordinairement trente-cinq quintaux de ces mines pour avoir un marc d’argent. Ainsi, pour trouver dans l’essai seulement un quart de grain d’or, il faudrait essayer dix quintaux deux tiers de mine. Les essais de ces sortes de mine se font aisément dans les lieux où il y a des fonderies établies ; mais, quand on n’a pas la commodité de fondre ces mines en grand, il faut chercher quelque moyen de connaître leur produit par l’essai…

    Si les mines qui contiennent de l’or sont chargées de pyrites ou de quelque fluor extrêmement dur à piler, il faut les griller, et ensuite les piler et les laver. On ne prend que huit quintaux de plomb pour un quintal de mine aisée à fondre, au lieu qu’il en faut seize quand elles sont rebelles à la fonte ; on les scorifie, puis on coupelle le plomb comme à l’ordi-