Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rougir la poudre du métal, et tout de suite on la triture avec le mercure chaud ; c’est de cette manière qu’on l’amalgame avec le cuivre ; mais l’on ne connaît aucun moyen de lui faire contracter union avec le fer.

Le vrai dissolvant de l’or est, comme nous l’avons dit, l’eau régale composée de deux acides, le nitreux et le marin ; et comme s’il fallait toujours deux puissances réunies pour dompter ce métal, on peut encore le dissoudre par le foie de soufre, qui est un composé de soufre et d’alcali fixe : cependant cette dernière dissolution a besoin d’être aidée et ne se fait que par le moyen du feu. On met l’or en poudre très fine ou en feuilles brisées dans un creuset avec du foie de soufre, on les fait fondre ensemble, et l’or disparaît dans le produit de cette fusion ; mais en laissant dissoudre dans l’eau ce même produit, l’or y reste en parfaite dissolution, et il est aisé de le tirer par précipitation.

Les alliages de l’or avec l’argent et le cuivre sont fort en usage pour les monnaies et pour les ouvrages d’orfévrerie ; on peut de même l’allier avec tous les autres métaux ; mais tout alliage lui fait perdre plus ou moins de sa ductilité[1], et la plus petite quantité d’étain ou même la seule vapeur de ce métal suffisent pour le rendre aigre et cassant : l’argent est celui de tous qui diminue le moins sa très grande ductilité.

L’or naturel et natif est presque toujours allié d’argent en plus ou moins grande proportion : cet alliage lui donne de la fermeté et pâlit sa couleur ; mais le mélange du cuivre l’exalte, le rend d’un jaune plus rouge, et donne à l’or un assez grand degré de dureté ; c’est par cette dernière raison que, quoique cet alliage du cuivre avec l’or en diminue la densité au delà des proportions du mélange, il est néanmoins fort en usage pour les monnaies qui ne doivent ni se plier, ni s’effacer, ni s’étendre, et qui auraient tous ces inconvénients si elles étaient fabriquées d’or pur.

Suivant M. Geller, l’alliage de l’or avec le plomb devient spécifiquement plus pesant, et il y a pénétration entre ces deux métaux, tandis que le contraire arrive dans l’alliage de l’or et de l’étain, dont la pesanteur spécifique est moindre : l’alliage de l’or avec le fer devient aussi spécifiquement plus léger ; il n’y a donc nulle pénétration entre ces deux métaux, mais une simple union de leurs parties, qui augmente le volume de la masse, au lieu de le diminuer comme le fait la pénétration. Cependant ces deux métaux, dont les parties constituantes ne paraissent pas se réunir d’assez près dans la fusion, ne laissent pas d’avoir ensemble une grande affinité, car l’or se trouve souvent, dans la nature, mêlé avec le fer, et de plus il facilite au feu la fusion de ce métal. Nos habiles artistes devraient donc mettre à profit cette propriété de l’or et le préférer au cuivre pour souder les petits ouvrages d’acier qui demandent le plus grand soin et la plus grande solidité ; et ce qui semble prouver encore la grande affinité de l’or avec le fer, c’est que quand ces deux métaux se trouvent alliés, on ne peut les séparer en entier par le moyen du plomb, et il en est de même de l’argent allié au fer ; on est obligé d’y ajouter du bismuth pour achever de les purifier[2].

L’alliage de l’or avec le zinc produit un composé dont la masse est spécifiquement plus pesante que la somme des pesanteurs spécifiques de ces deux matières composantes ; il y a donc pénétration dans le mélange de ce métal avec ce demi-métal, puisque le volume en devient plus petit ; on a observé la même chose dans l’alliage de l’or et du bismuth : au reste on a fait un nombre prodigieux d’essais du mélange de l’or avec toutes les autres matières métalliques, que je ne pourrais rapporter ici sans tomber dans une trop grande prolixité.

  1. L’or s’unit au platine, et c’est la crainte de le voir falsifier par ce mélange qui a décidé le gouvernement d’Espagne à faire fermer les mines de platine. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. Ier, p. 263.
  2. M. Poërner, cité dans le Dictionnaire de chimie, article de l’Affinage.