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cipités de l’or les plus belles couleurs, propre, rouge, verte, etc. : ces couleurs sont fixes et peuvent s’employer dans les émaux ; le borax blanchit l’or plus que tout autre mélange, et le nitre lui rend la couleur jaune que le borax avait fait disparaître.

Quoique l’or soit le plus compacte et le plus tenace des métaux, il n’est néanmoins que peu élastique et peu sonore : il est très flexible et plus mou que l’argent, le cuivre et le fer, qui de tous est le plus dur ; il n’y a que le plomb et l’étain qui aient plus de mollesse que l’or, et qui soient moins élastiques ; mais, quelque flexible qu’il soit, on a beaucoup de peine à le rompre[NdÉ 1]. Les voyageurs disent que l’or de Malaca, qu’on croit venir de Madagascar, et qui est presque tout blanc, se fond aussi promptement que du plomb. On assure aussi qu’on trouve dans les sables de quelques rivières de ces contrées des grains d’or que l’on peut couper au couteau, et que même cet or est si mou qu’il peut recevoir aisément l’empreinte d’un cachet[1] ; il se fond à peu près comme du plomb, et l’on prétend que cet or est le plus pur de tous : ce qu’il y a de certain, c’est que plus ce métal est pur et moins il est dur ; il n’a dans cet état de pureté, ni odeur ni saveur sensible, même après avoir été fortement frotté ou chauffé. Malgré sa mollesse, il est cependant susceptible d’un assez grand degré de dureté par l’écrouissement, c’est-à-dire par la percussion souvent réitérée du marteau, ou par la compression successive et forcée de la filière ; il perd même alors une grande partie de sa ductilité et devient assez cassant. Tous les métaux acquièrent de même un excès de dureté par l’écrouissement ; mais on peut toujours détruire cet effet en les faisant recuire au feu, et l’or qui est le plus doux, le plus ductile de tous, ne laisse pas de perdre cette ductilité par une forte et longue percussion ; il devient non seulement plus dur, plus élastique, plus sonore, mais même il se gerce sur ses bords lorsqu’on lui fait subir une extension forcée sous les rouleaux du laminoir : néanmoins il perd par le recuit ce fort écrouissement plus aisément qu’aucun autre métal ; il ne faut pour cela que le chauffer, pas même jusqu’au rouge, au lieu que le cuivre et le fer doivent être pénétrés de feu pour perdre leur écrouissement.

    en reçoivent une couleur pourpre… Les précipités que l’on obtient par l’intermède du plomb sont d’un gris noirâtre ; celui de l’étain est pourpre… Lorsqu’on fait fulminer de l’or sur de l’étain, du plomb, de l’antimoine, du bismuth et de l’arsenic, on obtient une chaux pourpre analogue au précipité de Cassius ; au lieu que l’or, en fulminant sur l’argent, le cuivre, le fer, le cobalt et le zinc, se revivifie et s’incruste sur ces régules métalliques. » Lettres du docteur Demeste, t. II, p. 459 et 461. — L’or est aussi calciné et réduit en chaux pourpre par une forte décharge électrique… Mais la même décharge revivifie l’or en chaux, comme elle réduit la chaux de plomb. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 85.

  1. Quelques chimistes ont assuré qu’on peut donner par l’art cette mollesse à l’or, que quelquefois il tient de la nature : Beccher, dans le second supplément à sa Physique souterraine, indique un procédé par lequel il prétend qu’on peut donner à l’or la mollesse du plomb, et ce procédé consiste à jeter un grand nombre de fois le même or fondu dans une liqueur composée d’esprit de sel ammoniac et d’esprit-de-vin rectifié. Je doute de ce résultat du procédé de Beccher, et il serait bon de le vérifier en répétant l’expérience… Brandt dit avoir obtenu un or blanc et fragile par une longue digestion avec le mercure ; il ajoute que dans cet état il n’est plus possible de séparer entièrement le mercure de l’or, ni par la calcination la plus forte avec le soufre, ni par la fonte répétée plusieurs fois au feu le plus violent. Lettres du docteur Demeste, t. II, p. 458.
  1. L’or est le plus ductile et le plus malléable de tous les métaux. On peut le réduire en feuilles n’ayant pas plus de 1/12000e de millimètre d’épaisseur et l’étirer en fils tellement grêles, qu’avec cinq centigrammes d’or on obtient un fil ayant 162 mètres de longueur. Mais sa ténacité n’est pas très considérable, car il suffit d’un poids de 68,216 kil. pour déterminer la rupture d’un fil d’or ayant 2 millimètres de diamètre.