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Il n’est donc pas étonnant qu’on n’ait jamais trouvé d’or fulminant dans la nature, puisque d’une part le feu ou la chaleur le détruit en le faisant fulminer, et que d’autre part, il ne pourrait exercer cette action fulminante dans l’intérieur de la terre, au degré de sa température actuelle. Au reste, on ne doit pas oublier qu’en général les précipités d’or, lorsqu’ils sont réduits, sont à la vérité toujours de l’or ; mais que, dans leur état de précipité et avant la réduction, ils ne sont pas, comme l’or même, inaltérables, indestructibles, etc. ; leur essence n’est donc plus la même que celle de l’or de nature ; tous les acides minéraux ou végétaux[1], et même les simples acerbes, tels que la noix de galle[2], agissent sur ces précipités et peuvent les dissoudre, tandis que l’or en métal n’en éprouve aucune altération : les précipités de l’or ressemblent donc à cet égard aux métaux imparfaits, et peuvent par conséquent être altérés de même et minéralisés ; mais nous venons de prouver que les combinaisons nécessaires pour faire des précipités d’or n’ont guère pu se trouver dans la nature, et c’est sans doute par cette raison qu’il n’existe réellement que peu ou point d’or minéralisé dans le sein de la terre ; et s’il en existait, cet or minéralisé serait en effet très différent de l’autre ; on pourrait le dissoudre avec tous les acides, puisqu’ils dissolvent les précipités dont se serait formé cet or minéralisé.

Il ne faut qu’une petite quantité d’acide marin, mêlé à l’acide nitreux, pour dissoudre l’or ; mais la meilleure proportion est de quatre parties d’acide nitreux et une partie de sel ammoniac. Cette dissolution est d’une belle couleur jaune, et, lorsque ces dissolvants sont pleinement saturés, elle devient claire et transparente ; dans tout état, elle teint en violet plus ou moins foncé toutes les substances animales : si on la fait évaporer, elle donne en se refroidissant des cristaux d’un beau jaune transparent ; et si l’on pousse plus loin l’évaporation au moyen de la chaleur, les cristaux disparaissent, et il ne reste qu’une poudre jaune et très fine qui n’a pas le brillant métallique.

Quoiqu’on puisse précipiter l’or dissous dans l’eau régale avec tous autres les métaux, avec les alcalis, les terres calcaires, etc., c’est l’alcali volatil qui, de toutes les matières connues, est la plus propre à cet effet ; il réduit l’or plus promptement que les alcalis fixes ou les métaux : ceux-ci changent la couleur du précipité ; par exemple, l’étain lui donne la belle couleur pourpre qu’on emploie sur nos porcelaines.

L’or pur a peu d’éclat, et sa couleur jaune est assez mate ; le mélange de l’argent le blanchit, celui du cuivre le rougit ; le fer lui communique sa couleur ; une partie d’acier fondue avec cinq parties d’or pur lui donne la couleur du fer poli : les bijoutiers se servent avec avantage de ces mélanges pour les ouvrages où ils ont besoin d’or de différentes couleurs. L’on connaît, en chimie[3], des procédés par lesquels on peut donner aux pré-

  1. « Le vinaigre n’attaque point l’or tant qu’il est en masse ; mais si, après avoir dissous ce métal dans l’eau régale, on le précipite par l’alcali fixe, le vinaigre dissout ce précipité : cette dissolution par le vinaigre est de même précipitée par l’alcali fixe et par l’alcali volatil, et le précipité formé par cette dernière substance est fulminant. » Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. III, p. 18.
  2. La dissolution d’or est précipitée avec le temps par l’infusion de noix de galle ; il se forme insensiblement des nuages de couleur pourpre, qui se répandent dans toute la liqueur ; l’or ne se dépose au fond du vase qu’en très petite quantité, il se ramasse presque entièrement à la surface de la liqueur, où il paraît avec son éclat métallique. M. Monnet (Dissolution des métaux, p. 127) assure que l’or précipité par l’extrait acerbe est soluble dans l’acide nitreux, et que cette dissolution est très stable, de couleur bleuâtre, et qu’elle n’est pas précipitée par l’alcali fixe.
  3. « Les précipités que l’on obtient lorsqu’on décompose la dissolution de l’or dans l’eau régale, au moyen de l’argent, du cuivre, du fer et des régules de cobalt et de zinc, sont des molécules d’or revivifiées par la voie humide, au lieu que si on emploie l’étain, le plomb, l’antimoine, le bismuth et l’arsenic, les résultats de ces opérations sont des chaux d’or, susceptibles de se vitrifier au moyen des substances vitreuses qu’on y ajoute et qui