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leur établissement primitif, et par des circonstances très particulières, qu’ils ont pu se trouver mélangés.

L’or répandu dans les sables, soit en poudre, en paillettes ou en grains plus ou moins gros, et qui provient du débris des mines primitives, loin d’avoir rien perdu de son essence, a donc encore acquis de la pureté ; les sels acides, alcalins et arsenicaux, qui rongent toutes les substances métalliques, ne peuvent entamer celle de l’or : ainsi dès que les eaux ont commencé de détacher et d’entraîner les minerais des différents métaux, tous auront été altérés, dissous, détruits par l’action de ces sels ; l’or seul a conservé son essence intacte, et il a même défendu celle de l’argent, lorsqu’il s’y est trouvé mêlé en suffisante quantité.

L’argent, quoique aussi parfait que l’or à plusieurs égards, ne se trouve pas aussi communément en poudre ou en paillettes, dans les sables et les terres : d’où peut provenir cette différence à laquelle il me semble qu’on n’a pas fait assez d’attention ? pourquoi les terrains au pied des montagnes à mines sont-ils semés de poudre d’or ? pourquoi les torrents qui s’en écoulent roulent-ils des paillettes et des grains de ce métal, et que l’on trouve si peu de poudre, de paillettes ou de grains d’argent dans ces mêmes sables, quoi que les mines d’où découlent ces eaux contiennent souvent beaucoup plus d’argent que d’or ? n’est-ce pas une preuve que l’argent a été détruit avant de pouvoir se réduire en paillettes, et que les sels de l’air, de la terre et des eaux l’ont saisi, dissous dès qu’il s’est trouvé réduit en petites parcelles, au lieu que ces mêmes sels ne pouvant attaquer l’or, sa substance est demeurée intacte lors même qu’il s’est réduit en poudre ou en atomes impalpables ?

En considérant les propriétés générales et particulières de l’or, on a d’abord vu qu’il était le plus pesant, et par conséquent le plus dense des métaux[1] qui sont eux-mêmes

  1. La densité de l’or a été bien déterminée par M. Brisson, de l’Académie des sciences. L’eau distillée étant supposée peser 10 000 livres, il a vu que l’or à 24 carats, fondu et non battu, pèse 192 581 livres 12 onces 3 gros 62 grains, et que par conséquent un pied cube de cet or pur, pèserait 1 348 livres 1 once 0 gros 61 grains ; et que ce même or à 24 carats, fondu et battu, pèse relativement à l’eau 193 617 livres 12 onces 4 gros 28 grains, en sorte que le pied cube de cet or, pèserait 1 355 livres 5 onces 0 gros 60 grains. L’or des ducats de Hollande approche de très près ce degré de pureté ; car la pesanteur spécifique de ces ducats est de 193 519 livres 12 onces 4 gros 25 grains, ce qui donne 1 354 livres 10 onces 1 gros 2 grains pour le poids d’un pied cube de cet or. Voyez la Table des pesanteurs spécifiques, par M. Brisson. — J’observerai que, pour avoir au juste les pesanteurs spécifiques de toutes les matières, il faut non seulement se servir d’eau distillée, mais que pour connaître exactement le poids de cet eau, il faudrait en faire distiller une assez grande quantité, par exemple, assez pour remplir un vaisseau cubique d’un pied de capacité, peser ensuite le tout, et déduire la tare du vaisseau ; cela serait plus juste que si l’on n’employait qu’un vaisseau de quelques pouces cubiques de capacité : il faudrait aussi que le métal fût absolument pur, ce qui n’est peut-être pas possible, mais au moins le plus pur qu’il se pourra ; je me suis beaucoup servi d’un globe d’or, raffiné avec soin, d’un pouce de diamètre, pour mes expériences sur le progrès de la chaleur dans les corps, et en le pesant dans l’eau commune, j’ai vu qu’il ne perdait pas 1/19 de son poids ; mais probablement cette eau était bien plus pesante que l’eau distillée. Je suis donc très satisfait qu’un de nos habiles physiciens ait déterminé plus précisément cette densité de l’or à 24 carats, qui, comme l’on voit, augmente de poids par la percussion ; mais était-il bien assuré que cet or fût absolument pur ? il est presque impossible d’en séparer en entier l’argent que la nature y a mêlé ; et d’ailleurs la pesanteur de l’eau, même distillée, varie avec la température de l’atmosphère, et cela laisse encore quelque incertitude sur la mesure exacte de la densité de ce métal précieux. Ayant sur cela communiqué mes doutes à M. de Morveau, il a pris la peine de s’assurer qu’un pied cube d’eau distillée pèse 71 livres 7 onces 5 gros 8 grains et 1/24 de grain, l’air étant à la température de 12 degrés. L’eau, comme l’on sait, pèse plus ou moins, suivant qu’il fait