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perpendiculaires de cette roche quartzeuse, et l’or y est toujours allié d’une plus ou moins grande quantité d’argent ; ces deux métaux y sont simplement mélangés et font masse commune ; ils sont ordinairement incrustés en filets ou en lames dans la pierre vitreuse, et quelquefois ils s’y trouvent en masses et en faisceaux conglomérés : c’est à quelque distance de ces mines primordiales que se trouve l’or en petites masses, en grains, en pépites, etc., et c’est dans les ravines des montagnes qui en recèlent les mines, qu’on le recueille en plus grande quantité. On le trouve aussi en paillettes et en poudre dans les sables que roulent les torrents et les rivières qui descendent de ces mêmes montagnes, et souvent cette poudre d’or est dispersée et disséminée sur les bords de ces ruisseaux et dans les terres adjacentes[1] ; mais soit en poudre, en paillettes, en grains, en filets ou en masses, l’or de chaque lieu est toujours de la même essence, et ne diffère que par le degré de pureté ; plus il est divisé, plus il est pur, en sorte que, s’il est à 20 carats dans sa mine en montagne, les poudres et les paillettes qui en proviennent sont souvent à 22 et 23 carats, parce qu’en se divisant, ce métal s’est épuré et purgé d’une partie de son alliage naturel : au reste, ces paillettes et ces grains qui ne sont que des débris des mines primordiales, et qui ont subi tant de mouvements, de chocs et de rencontres d’autres matières, n’en ont rien souffert qu’une plus grande division ; elles ne sont jamais intérieurement altérées, quoique souvent recouvertes à l’extérieur de matières étrangères.

L’or le plus fin, c’est-à-dire le plus épuré par notre art, est, comme l’on sait, à 24 carats ; mais l’on n’a jamais trouvé d’or à ce titre dans le sein de la terre, et dans plusieurs mines il n’est qu’à 22, et même à 16 et 11 carats, en sorte qu’il contient souvent un quart, et même un tiers de mélange ; et cette matière étrangère qui se trouve originairement alliée avec l’or est une portion d’argent, lequel, quoique beaucoup moins dense, et par conséquent moins divisible que l’or, se réduit néanmoins en molécules très ténues : l’argent est, comme l’or, inaltérable, inaccessible aux efforts des éléments humides, dont l’action détruit tous les autres métaux ; et c’est par cette prérogative de l’or et de l’argent qu’on les a toujours regardés comme des métaux parfaits, et que le cuivre, le plomb, l’étain et le fer, qui sont tous sujets à plus ou moins d’altération par l’impression des agents extérieurs, sont des métaux imparfaits en comparaison des deux premiers. L’or se trouve donc allié d’argent, même dans sa mine la plus riche et sur sa gangue quartzeuse ; ces deux métaux presque aussi parfaits, aussi purs l’un que l’autre, n’en sont que plus intimement unis ; le haut ou bas aloi de l’or natif dépend donc principalement de la petite ou grande quantité d’argent qu’il contient : ce n’est pas que l’or ne soit aussi quelquefois mêlé de cuivre et d’autres substances métalliques[2] ; mais ces mélanges ne sont pour ainsi dire qu’extérieurs, et, à l’exception de l’argent, l’or n’est point allié, mais seulement contenu et disséminé dans toutes les autres matières métalliques ou terreuses.

On serait porté à croire, vu l’affinité apparente de l’or avec le mercure et leur forte attraction mutuelle, qu’ils devraient se trouver assez souvent amalgamés ensemble ; cependant rien n’est plus rare, et à peine y a-t-il un exemple d’une mine où l’on ait trouvé l’or pénétré de ce minéral fluide : il me semble qu’on peut en donner la raison d’après ma théorie ; car, quelque affinité qu’il y ait entre l’or et le mercure, il est certain que la fixité de l’un et la grande volatilité de l’autre ne leur ont guère permis de s’établir en même temps ni dans les mêmes lieux, et que ce n’est que par des hasards postérieurs à

  1. Wallerius compte douze sortes d’or dans les sables ; mais ces douze sortes doivent se réduire à une seule, parce ce qu’elles ne diffèrent les unes des autres que par la couleur, la grosseur ou la figure, et qu’au fond c’est toujours le même or.
  2. Par exemple, l’or de Guinée, de Sofala, de Malaca, contient du cuivre et très peu d’argent, et le cuivre des mines de Coquimbo au Pérou contient, à ce qu’on dit, de l’or sans aucun mélange d’argent.