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mités, aux parois de la caisse, dont elles doivent être éloignées et séparées par une épaisseur de deux pouces de poudre de charbon : on a soin de pratiquer, dans le milieu d’une des petites faces de la caisse, une ouverture où l’on passe, par le dehors, une bande de huit ou dix pouces de longueur et de même épaisseur que les autres, pour servir d’indice ou d’éprouvette ; car, en retirant cette bande de fer au bout de quelques jours de feu, on juge par son état de celui des autres bandes renfermées dans la caisse, et l’on voit, en examinant cette bande d’épreuve, à quel point est avancée la conversion du fer en acier.

Le fond et les quatre côtés de la caisse doivent être de grès pur ou de très bonnes briques bien jointes et bien lutées avec de l’argile : cette caisse porte sur une voûte de briques, sous laquelle s’étend la flamme d’un feu qu’on entretient continuellement sur un tisar à l’ouverture de cette voûte, le long de laquelle on pratique des tuyaux aspiratoires de six pouces en six pouces, pour attirer la flamme et la faire circuler également tout autour de la caisse, au-dessus de laquelle doit être une autre voûte où la flamme, après avoir circulé, est enfin emportée rapidement par d’autres tuyaux d’aspiration aboutissant à une grande et haute cheminée. Après avoir réussi à ces premiers essais, j’ai fait construire un grand fourneau de même forme, et qui a quatorze pieds de longueur sur neuf de largeur et huit de hauteur, avec deux tisars en fonte de fer sur lesquels on met le bois, qui doit être bien sec, pour ne donner que de la flamme sans fumée ; la voûte inférieure communique à l’entour de la caisse par vingt-quatre tuyaux aspiratoires, et la voûte supérieure communique à la grande cheminée par cinq autres tuyaux : cette cheminée est élevée de trente pieds au-dessus du fourneau et elle porte sur de grosses gueuses de fonte. Cette construction démontre assez que c’est un grand fourneau d’aspiration où l’air, puissamment attiré par le feu, anime la flamme et la fait circuler avec la plus grande rapidité ; on entretient ce feu sans interruption pendant cinq ou six jours, et dès le quatrième on tire l’éprouvette pour s’assurer de l’effet qu’il a produit sur les bandes de fer qui sont dans la caisse de cémentation : on reconnaîtra, tant aux petites boursouflures qu’a la cassure de cette bande d’épreuve, si le fer est près ou loin d’être transformé en acier, et d’après cette connaissance l’on fera cesser ou continuer le feu ; et, lorsqu’on

    lement un fer supersaturé de feu fixe, et il y a autant d’aciers défectueux que de mauvais fers.

    M. de Grignon observe les degrés de perfection des différents fers convertis en acier dans l’ordre suivant :

    Les fers d’Alsace sont ceux de France qui produisent les aciers les plus fins pour la pâte ; mais ces aciers ne sont pas si nets que ceux des fers de roche de Champagne, qui sont mieux fabriqués que ceux d’Alsace : quoique les fers de Berri soient en général plus doux que ceux de Champagne et de Bourgogne, ils ont donné les aciers les moins nets, parce que leur étoffe n’est pas bien liée ; et il a remarqué qu’en général les fers les plus doux à la lime, tels que ceux de Berri et de Suède, donnent des aciers beaucoup plus vifs que les fers fermes à la lime et au marteau, et que les derniers exigent une cémentation plus continuée et plus active. Il a reconnu que les fers de Sibérie donnaient un acier très difficile à traiter, et défectueux pour la désunion de son étoffe ; que ceux d’Espagne donnent un acier propre à des ouvrages qui exigent un beau poli ; et il conclut qu’on peut faire de très bon acier fin avec les fers de France, en soignant leur fabrication : il désigne en même temps les provinces qui fournissent les fers qui sont les plus susceptibles de meilleur acier dans l’ordre suivant : Alsace, Champagne, Dauphiné, Limousin, Roussillon, comté de Foix, Franche-Comté, Lorraine, Berri et Bourgogne.

    Il serait fort à désirer que le gouvernement donnât des encouragements pour élever des manufactures d’acier dans ces différentes provinces, non seulement pour l’acier par la cémentation, mais aussi pour la fabrication des aciers naturels, qui sont à meilleur compte que les premiers, et d’un plus grand usage dans les arts, surtout dans les arts de première nécessité.