Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai fait chauffer au feu de bois, dans le fourneau de la fonderie, plusieurs bandes de mon fer de la meilleure qualité, et qui avait été travaillé comme les barreaux qu’on envoyait aux fileries pour y faire du fil de fer, et j’ai fait chauffer au même feu et en même temps d’autres bandes de fer moins épuré, et tel qu’il se vend dans mes forges pour le commerce ; j’ai fait couper à chaud toutes ces bandes en morceaux longs de deux pieds, parce que la caisse de mon premier fourneau d’essais, où je voulais les placer pour les convertir en acier, n’avait que deux pieds et demi de longueur sur dix-huit pouces de largeur et autant de hauteur. On commença par mettre sur le fond de la caisse une couche de charbon en poudre de deux pouces d’épaisseur, sur laquelle on plaça, une à une, les petites bandes de fer de deux pieds de longueur, de manière qu’elles ne se touchaient pas ; et qu’elles étaient séparées les unes des autres par un intervalle de plus d’un demi-pouce, on mit ensuite sur ces bandes une autre couche d’un pouce d’épaisseur de poudre de charbon, sur laquelle on posa de même d’autres bandes de fer, et ainsi alternativement des couches de charbon et des bandes de fer, jusqu’à ce que la caisse fût remplie, à trois pouces près, dans toute sa hauteur ; on remplit ces trois derniers pouces vides, d’abord avec deux pouces de poudre de charbon, sur laquelle on amoncela en forme de dôme autant de poudre de grès qu’il pouvait en tenir sur la caisse sans s’ébouler : cette couverture de poudre de grès sert à préserver la poudre de charbon de l’atteinte et de la communication du feu. Il faut aussi avoir soin que les bandes de fer ne touchent ni par les côtés, ni par les extré-

    violence du feu, M. de Grignon prit le parti d’aller à la manufacture de Néronville faire une autre suite d’expériences, qui lui donna les mêmes résultats qu’il avait obtenus à Buffon.

    Les différentes qualités des fers soumis à la cémentation ont éprouvé des modifications différentes et dépendantes de leur caractère particulier.

    Le premier effet que l’on aperçoit est cette multitude d’ampoules qui s’élèvent sur les surfaces : cette quantité est d’autant plus grande que l’étoffe du fer est plus désunie par des pailles, des gerçures et des fentes.

    Les fers les mieux étoffés, dont la pâte est pleine et homogène, sont moins sujets aux ampoules : ceux qui n’ont que l’apparence d’une belle fabrication, c’est-à-dire qui sont bien unis, bien sués au dehors, mais dont l’affinage primitif n’a pas bien lié la pâte, sont sujets à produire une très grande quantité de bulles.

    Les fers cémentés ne sont pas les seuls qui soient sujets aux ampoules ; les tôles et les fers noirs, préparés pour l’étamage, sont souvent défectueux pour les mêmes causes.

    La couleur bleue, plus ou moins forte, dont se couvrent les surfaces des barres de fer soumises à la cémentation, est l’effet d’une légère décomposition superficielle ; plus cette couleur est intense, plus on a lieu de soupçonner l’acier de vivacité, c’est-à-dire de supersaturation : ce défaut s’annonce aussi par un son aigu que rend l’acier poule lorsqu’on le trappe ; le son grave au contraire annonce dans l’acier des parties ferreuses, et le bon acier se connaît par un son soutenu, ondulant et timbré.

    Le fer cémenté, en passant à l’état d’acier, devient sonore, et devient aussi très fragile, puisque l’acier poule ou boursouflé est plus fragile que l’acier corroyé et trempé, sans que le premier ait été refroidi par un passage subit du chaud au froid : le fer peut donc être rendu fragile par deux causes diamétralement opposées, qui sont le feu et l’eau ; car le fer ne devient acier que par une supersaturation du feu fixe, qui, en s’incorporant avec les molécules du fer, en coupe et rompt la fibre, et la convertit en grains plus ou moins fins ; et c’est ce feu fixe, introduit dans le fer cémenté, qui en augmente le poids et le volume.

    M. de Grignon observe que tous les défauts dont le fer est taché, et qui proviennent de la fabrication même ou du caractère des mines, ne sont point détruits par la cémentation ; qu’au contraire ils ne deviennent que plus apparents ; que c’est pour cette raison que, si l’on veut obtenir du bon acier par la cémentation, il faut nécessairement choisir les meilleurs fers, les plus parfaits, tant par leur essence que par leur fabrication, puisque la cémentation ne purifie pas le fer, et ne lui enlève pas les corps hétérogènes dont il peut être allié ou par amalgame ou par interposition : l’acier, selon lui, n’est point un fer plus pur, mais seu-