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du régule de fer, et l’on a reconnu depuis que tous les métaux et les régules des demi-métaux se cristallisaient de même à un feu bien dirigé et assez longtemps soutenu, en sorte qu’on ne peut plus douter que la cristallisation, prise généralement, ne puisse s’opérer par l’élément du feu comme par celui de l’eau.

Le fer est de tous les métaux celui dont l’état varie le plus : tous les fluides, à l’exception du mercure, l’attaquent et le rongent ; l’air sec produit à sa surface une rouille légère qui, en se durcissant, fait l’effet d’un vernis impénétrable et assez ressemblant au vernis des bronzes antiques ; l’air humide forme une rouille plus forte et plus profonde, de couleur d’ocre ; l’eau produit avec le temps, sur le fer qu’on y laisse plongé, une rouille noire et légère. Toutes les substances salines font de grandes impressions sur ce métal et le convertissent en rouille : le soufre fait fondre en un instant le fer rouge de feu et le change en pyrite ; enfin l’action du feu détruit le fer ou du moins l’altère, dès qu’il a pris sa parfaite métallisation ; un feu très véhément le vitrifie ; un feu moins violent, mais longtemps continué, le réduit en colcothar pulvérulent, et, lorsque le feu est à un moindre degré, il ne laisse pas d’attaquer à la longue la substance du fer, et en réduit la surface en lames minces et en écailles. La fonte de fer est également susceptible de destruction par les mêmes éléments ; cependant l’eau n’a pas autant d’action sur la fonte que sur le fer, et les plus mauvaises fontes, c’est-à-dire celles qui contiennent le plus de parties vitreuses, sont celles sur lesquelles l’air humide et l’eau font le moins d’impression.

    ration des cristaux métalliques en employant des moyens convenables, c’est-à-dire un feu véhément, et un refroidissement très lent et sans trouble ; cela est non seulement vrai pour le fer, mais pour tous les autres métaux, que l’on peut également faire cristalliser au feu de nos fourneaux, comme les derniers travaux de nos chimistes, et les régules cristallisés qu’ils ont obtenus de la plupart des métaux et demi-métaux l’ont évidemment prouvé. Ainsi, l’opinion de M. Delisle était bien mal fondée : tout dissolvant qui rend la matière fluide la dispose à la cristallisation, et elle s’opère dans les matières fondues par le feu comme dans celles qui sont liquéfiées par l’eau.

    « Ces deux éléments, dit très bien M. de Grignon, donnent à peu près les mêmes produits par des procédés différents, avec des substances qui peuvent se modifier également par ces deux agents ; mais l’eau qui peut dissoudre et cristalliser les sels, charrier et faciliter la condensation d’un métal minéralisé ou en état de décomposition, élever la charpente des corps organisés, ne peut concourir à donner à aucun métal, en son état de métalléité parfaite, une forme régulière, c’est-à-dire le cristalliser… C’est au feu, l’agent le plus actif, le plus puissant de la nature, que sont réservées ces importantes opérations ; le feu achève en des instants très courts le résultat de ces opérations, au lieu que l’eau y emploie une longue suite de siècles. » Mémoires de Physique, p. 476 et suiv. — J’ai fait moi-même un essai sur la cristallisation de la fonte de fer, que je crois devoir rapporter ici. Cet essai a été fait dans un très grand creuset de molybdène, sur une masse d’environ deux cent cinquante livres de fonte : on avait pratiqué vers le bas de ce creuset un trou de huit à neuf lignes de diamètre, que l’on avait ensuite bouché avec de la terre de coupelle ; ce creuset fut placé sur une grille et entouré au bas de charbons ardents, tandis que la partie supérieure était défendue de la chaleur par une table circulaire de briques ; on remplit ensuite le creuset de fonte liquide, et quand la surface supérieure de cette fonte, qui était exposée à l’air, eut pris de la consistance, on ouvrit promptement le bas du creuset ; il coula d’un seul jet plus de moitié de la fonte encore rouge, et qui laissa une grande cavité dans l’intérieur de toute la masse ; cette cavité se trouva hérissée de très petits cristaux, dans lesquels on distinguait à la loupe des faces disposées en octaèdres, mais la plupart étaient comme des trémies creuses, puisque, avec une barbe de plume, elles se détachaient et tombaient en petits feuillets, comme les mines de fer micacées, ce qui néanmoins est éloigné des belles cristallisations de M. de Grignon, et annonce que, dans cette opération, le refroidissement fut encore trop prompt, car il est bon de le répéter, ce n’est que par un refroidissement très lent que la fonte en fusion peut prendre une forme cristallisée.