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La fonte blanche, sonore et cassante, que je réprouve pour la fabrique du bon fer, n’est guère plus propre à être moulée ; elle se boursoufle au lieu de se condenser par la retraite, et se casse au moindre choc ; mais la fonte blanchâtre, et qui commence à tirer au gris, quoique très dure et encore assez aigre, est très propre à faire des colliers d’arbres de roues, des enclumes et d’autres grosses masses qui doivent résister au frottement ou à la percussion : on en fait aussi des boulets et des bombes ; elle se moule aisément et ne prend que peu de retraite dans le moule. On peut d’ailleurs se procurer à moindres frais cette espèce de fonte au moyen de simples fourneaux à réverbères[1], sans soufflets, et dans lesquels on emploie le charbon de terre plus ou moins épuré : comme ce combustible donne une chaleur beaucoup plus forte que celle du charbon de bois, la mine se fond et coule dans ces fourneaux aussi promptement et en plus grande quantité que dans nos hauts fourneaux, et on a l’avantage de pouvoir placer ces fourneaux partout, au lieu qu’on ne peut établir que sur des courants d’eau nos grands fourneaux à soufflets ; mais cette fonte faite au charbon de terre, dans ces fourneaux de réverbère, ne donne pas du bon fer et les Anglais, tout industrieux qu’ils sont, n’ont pu jusqu’ici parvenir à fabriquer des fers de qualité même médiocre avec ces fontes, qui vraisemblablement ne s’épurent pas assez dans ces fourneaux ; et cependant j’ai vu et éprouvé moi-même qu’il était possible, quoique assez difficile, de faire du bon fer avec de la fonte fondue au charbon de terre

    de cette ouverture ; les bords se revêtent d’une poussière blanche ou jaune, qui est une matière métallique décomposée et sublimée : outre cela, il se forme sur les parois dans l’intérieur du fourneau, à commencer aux deux tiers environ de sa hauteur depuis la cuve, une matière brune dont la couche est légère, mais fort adhérente aux briques du fourneau ; cette matière sublimée est ferrugineuse. Il y a souvent dans le brun des taches blanches et jaunâtres, et l’on y trouve dans quelques cavités de belles cristallisations en filets déliés… Cette substance est la cadmie des fourneaux ; on en retire du zinc, ainsi ce demi-métal paraît être contenu dans la mine de fer ; il reste même du zinc dans la fonte de fer après la fusion, quoique la plus grande partie de ce demi-métal, qui ne peut souffrir une violente action du feu sans se brûler et se volatiliser, soit réduite en tutie vers l’ouverture du fourneau, où elle forme une suie métallique qui s’attache aux parois du fourneau, et cette suie de zinc et ce fer est le pompholix ; non seulement toutes les mines de fer de Champagne, mais encore celles des autres provinces de France, contiennent du zinc. Mémoires de Physique, par M. de Grignon, p. 275 et suiv.M. Granger dit que toutes les mines de fer brunes, opaques ou ocracées, contiennent de la chaux de zinc, et qu’il y a un passage comme insensible de ces mines à la pierre calaminaire, et réciproquement de la pierre calaminaire à ces mines de fer. On voit tous ces degrés dans le pays de Liège et dans le duché de Limbourg : « Nous croyons, ajoute-t-il, que cette dose de zinc, contenu dans les mines de fer, est-ce qui leur donne la facilité de produire des fers de tant de qualités différentes, et qu’elle est peut-être plus considérable qu’on ne pense. » Journal de Physique, mois de septembre 1775, p. 225 et suiv.

  1. C’est la pratique commune en plusieurs provinces de la Grande-Bretagne, où l’on fond et coule de cette manière les plus belles fontes moulées et des masses de plusieurs milliers en gros cylindres et autres formes. Nous pourrions de même faire usage de ces fourneaux dans les lieux où le charbon de terre est à portée. M. le marquis de Luchet m’a écrit qu’il avait fait essai de cette méthode dans les provinces du comté de Nassau. « J’ai mis, dit-il, dans un fourneau construit selon la méthode anglaise cinq quintaux de mine de fer, et au bout de huit heures la mine était fondue. » (Lettre de M. le marquis de Luchet à M. le comte de Buffon, datée de Ferney, le 4 mars 1775.) — Je suis convaincu de la vérité de ce fait, que M. de Luchet opposait à un fait également vrai, et que j’ai rapporté. (Voyez dans le IIe volume, l’introduction à l’histoire des minéraux.) C’est que la mine de fer ne se fond point dans nos fourneaux de réverbère, même les plus puissants, tels que ceux de nos verreries et glaceries ; la différence vient de ce qu’on la chauffe avec du bois, dont la chaleur n’est pas à beaucoup près aussi forte que celle du charbon de terre.