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tière superflue, qui n’est que du verre impur, auquel on a donné le nom de laitier, et qui ne contient aucune partie de métal lorsque la fusion de la mine se fait bien ; on peut en juger par la nature même de ce laitier, car, s’il est fort rouge, s’il coule difficilement, s’il est poisseux ou mêlé de mine mal fondue, il indiquera le mauvais travail du fourneau ; il faut que ce laitier soit coulant et d’un rouge léger en sortant du fourneau : ce rouge que le feu lui donne s’évanouit au moment qu’il se refroidit, et il prend différentes couleurs, suivant les matières étrangères qui dominaient dans le mélange de la mine.

On pourra donc, toutes les douze heures, obtenir une gueuse ou lingot d’environ deux milliers, et, si la fonte est bien liquide et d’une belle couleur de feu, sans être trop étincelante, on peut bien augurer de sa qualité ; mais on en jugera mieux en l’examinant après l’avoir couverte de poussière de charbon et l’avoir laissée refroidir au moule pendant six ou sept heures ; si le lingot est très sonore, s’il se casse aisément sous la masse, si la matière en est blanche et composée de lames brillantes et de gros grains à facettes, on prononcera sans hésiter que cette fonte est de mauvaise ou du moins de très médiocre qualité, et que, pour la convertir en bon fer, le travail ordinaire de l’affinerie ne serait pas suffisant : il faudra donc lâcher de corriger d’avance cette mauvaise qualité de la fonte par le traitement au fourneau ; pour cela, on diminuera d’un huitième, ou même d’un sixième, la quantité de mine que l’on impose à chaque charge sur la même quantité de charbon, ce qui seul suffira pour changer la qualité de la fonte ; car, alors, on obtiendra des lingots moins sonores, dont la matière, au lieu d’être blanche et à gros grains, sera grise et à petits grains serrés, et, si l’on compare la pesanteur spécifique de ces deux fontes, celle-ci pèsera plus de cinq cents livres le pied cube, tandis que la première n’en pèsera guère que quatre cent soixante-dix ou quatre cent soixante-quinze, et cette fonte grise à grains serrés donnera du bon fer au travail ordinaire de l’affinerie, où elle demandera seulement un peu plus de temps et de feu pour se liquéfier[1].

  1. La fonte blanche, dit M. de Grignon, est la plus mauvaise, elle est blanche lorsqu’on surcharge le fourneau de trop de mine relativement au charbon ; elle peut aussi devenir telle par la négligence du fondeur, lorsqu’il n’a pas attention de travailler son ouvrage pour faire descendre doucement les charges, et qu’il les laisse former une voûte au-dessus de la tuyère, et toutes les fois que la fusion n’est pas exacte, et que la mine est précipitée dans le bain sans être assez séparée, et enfin lorsque, par quelque cause que ce soit, la chaleur se trouve diminuée dans le fourneau. La fonte blanche est sonore, dure et fragile ; elle est très fusible au feu, mais elle donne un fer cassant, dur et rouverain.

    La fonte qu’on appelle truitée est parsemée de taches grises ; elle est moins mauvaise que la fonte purement blanche : cette fonte truitée est très propre à faire de gros ouvrages, comme des enclumes ; elle se travaille aisément et donne de meilleur fer que les fontes blanches.

    Une fonte grise devient blanche, dure et cassante lorsqu’on la coule dans un moule humide et à une petite épaisseur : la partie la plus mince est plus blanche que le reste ; celle qui suit est truitée, et il n’y a que les endroits les plus épais dont la fonte soit grise.

    La fonte grise donne le meilleur fer : il y en a de deux espèces, l’une d’un gris cendré et l’autre d’un gris beaucoup plus foncé tirant sur le brun noir ; la première est la meilleure, elle sort du fourneau aussi fluide que de l’eau : cette fonte grise, dans son état de perfection, donne une cristallisation régulière en la laissant refroidir lentement pendant plusieurs jours ; elle fait une retraite très considérable sur elle-même ; sa cristallisation est en forme pyramidale et se termine en une pointe très aiguë ; elle se forme principalement dans les petites cavités de la fonte.

    La fonte grise est moins sonore que la blanche, parce qu’elle est plus douce et que ses parties sont plus souples.

    La fonte brune ou noirâtre est telle, parce qu’on a donné trop peu de mine relativement au charbon, et que la chaleur du fourneau était trop grande ; elle est moins pesante et plus