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doit encore les regarder comme bonnes ; mais, si ce mélange hétérogène est de deux tiers ou de trois quarts, il ne sera guère possible de les traiter avantageusement, et l’on fera mieux de les négliger et de chercher ailleurs ; car il arrive toujours que, dans la même minière, dilatée sur une étendue de quelques lieues de terrain, il se trouve des endroits où la mine est beaucoup plus pure que dans d’autres, et de plus la portion inférieure de la minière est communément la meilleure ; au contraire, dans les minières qui sont en sacs perpendiculaires, la partie supérieure est toujours la plus pure, et on trouve la mine plus mélangée à mesure que l’on descend ; il faut donc choisir, et dans les unes et dans les autres, ce qu’elles auront de mieux, et abandonner le reste si l’on peut s’en passer.

Cette mine, extraite avec choix, sera conduite au lavoir pour en séparer toutes les matières terreuses que l’eau peut délayer, et qui entraînera aussi la plus grande partie des sables plus menus ou plus légers que les grains de la mine : seulement il faut être attentif à ne pas continuer le lavage dès qu’on s’aperçoit qu’il passe beaucoup de mine avec le sable[1], ou bien il faut recevoir ce sable mêlé de mine dans un dépôt d’où l’on puisse ensuite le tirer pour le cribler ou le vanner, afin de rendre la mine assez nette pour pouvoir la mêler avec l’autre. On doit de même cribler toute mine lavée qui reste encore chargée d’une trop grande quantité de sable ou de petits cailloux : en général, plus on épurera la mine par les lotions ou par le crible, et moins on consommera de combustible pour la fondre, et l’on sera plus que dédommagé de la dépense qu’on aura faite pour cette préparation de la mine par son produit au fourneau[2].

La mine épurée à ce point peut être confiée au fourneau avec certitude d’un bon produit en quantité et en qualité ; une livre et demie de charbon de bois suffira pour produire une livre de fonte, tandis qu’il faut une livre trois quarts et quelquefois jusqu’à deux livres de charbon lorsque la mine est restée impure : si elle n’est mêlée que de petits cailloux ou de sables vitreux, on fera bien d’y ajouter une certaine quantité de matière calcaire, comme d’un sixième ou d’un huitième par chaque charge, pour en faciliter la fusion ; si au contraire elle est trop mêlée de matière calcaire, on ajoutera une petite quantité, comme d’un quinzième ou d’un vingtième, de terre limoneuse, ce qui suffira pour en accélérer la fusion.

Il y a beaucoup de forges où l’on est dans l’usage de mêler les mines de différentes qualités avant de les jeter au fourneau ; cependant on doit observer que cette pratique ne peut être utile que dans des cas particuliers ; il ne faut jamais mélanger une mine très fusible avec une mine réfractaire, non plus qu’une mine en gros morceaux avec une mine en très petits grains, parce que l’une se fondant en moins de temps que l’autre, il arrive qu’au moment de la coulée la mine réfractaire ou celle qui est en gros morceaux n’est qu’à demi fondue, ce qui donne une mauvaise fonte dont les parties sont mal liées ; il

  1. Ce serait entrer dans un trop grand détail que de donner ici les proportions et les formes des différents lavoirs qu’on a imaginés pour nettoyer les mines de fer en grains, et les purger des matières étrangères, qui quelquefois sont tellement unies aux grains qu’on a grande peine à les en détacher. Le lavoir foncé de fer et percé de petits trous, inventé par M. Robert, sera très utile pour les mines ainsi mêlées de terre grasse et attachante ; mais pour toutes les autres mines qui ne sont mélangées que de sable calcaire ou de petits cailloux vitreux, les lavoirs les plus simples suffisent et même doivent être préférés.
  2. Les cribles cylindriques, longs de quatre à cinq pieds sur dix-huit ou vingt pouces de diamètre, montés en fil de fer sur un axe à rayons, sont les plus expéditifs et les meilleurs : j’en ai fait construire plusieurs, et je m’en suis servi avec avantage ; un enfant de dix ans suffit pour tourner ce crible dans lequel le minerai coule par une trémie ; le sablon le plus fin tombe au-dessous de la tête du crible, les grains de mine tombent dans le milieu, et les plus gros sables et petits cailloux vont au delà par l’effet de la force centrifuge. C’est de tous les moyens le plus sûr pour rendre la mine aussi nette qu’il est possible.