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dessèchement des argiles, et les grès par la réunion des sablons quartzeux ; ensuite les poudres calcaires, produites par les débris des premiers coquillages, ont formé les bancs de pierre, qui sont presque toujours posés au-dessus des schistes et des argiles, et en même temps les détriments des végétaux, descendus des parties les plus élevées du globe, ont formé les veines de charbons et de bitumes ; enfin les derniers mouvements de la mer, peu de temps avant d’abandonner la surface de nos collines, ont amené, dans les fentes perpendiculaires des bancs calcaires, ces mines de fer en grains qu’elle a lavés et sépares de la terre végétale, où ils s’étaient formés comme nous l’avons expliqué[1].

Nous observons encore que ces mines, qui se trouvent ensachées dans les rochers calcaires, sont communément en grains plus gros que celles qui sont dilatées par couches sur une grande étendue de terrain[2] ; elles n’ont de plus aucune suite, aucune autre correspondance entre elles que la direction de ces mêmes fentes, qui, dans les masses calcaires, ne suivent pas la direction générale de la colline, du moins aussi régulièrement que dans les montagnes vitreuses ; en sorte que, quand on a épuisé un de ces sacs de mine, l’on n’a souvent nul indice pour en trouver un autre : la boussole ne peut servir ici, car ces mines en grains ne font aucun effet sur l’aiguille aimantée, et la direction de la fente n’est qu’un guide incertain ; car, dans la même colline, on trouve des fentes dont la plus grande dimension horizontale s’étend dans des directions très différentes et quelquefois opposées, ce qui rend la recherche de ces mines très équivoque et leur produit si peu assuré, si contingent, qu’il serait fort imprudent d’établir un fourneau dans un lieu où l’on n’aurait que de ces mines en sacs, parce que ces sacs étant une fois épuisés, on ne serait nullement assuré d’en trouver d’autres ; les plus considérables de ceux dont j’ai fait l’extraction ne contenaient que deux ou trois mille muids de mine, quantité qui suffit à peine à la consommation du fourneau pendant huit ou dix mois. Plusieurs de ces sacs ne contenaient que quatre ou cinq cents muids, et l’on est toujours dans la crainte de n’en pas trouver d’autres après les avoir épuisés ; il faut donc s’assurer s’il n’y a pas à proximité, c’est-à-dire à deux ou trois lieues de distance du lieu où l’on veut établir un fourneau, d’autres mines en couches assez étendues pour pouvoir être moralement sûr qu’une extraction continuée pendant un siècle ne les épuisera pas : sans cette prévoyance, la matière métallique venant à manquer, tout le travail cesserait au bout d’un temps, la forge périrait faute d’aliment, et l’on serait obligé de détruire tout ce que l’on aurait édifié.

Au reste, quoique le fer se reproduise en grains sous nos yeux dans la terre végétale, c’est en trop petite quantité pour que nous puissions en faire usage ; car toutes les minières dont nous faisons l’extraction ont été amenées, lavées et déposées par les eaux de la mer lorsqu’elle couvrait encore nos continents : quelque grande que soit la consommation qu’on a faite, et qu’on fait tous les jours de ces mines, il paraît néanmoins que ces anciens dépôts ne sont pas, à beaucoup près, épuisés, et que nous en avons en France pour un grand nombre de siècles, quand même la consommation doublerait par les encouragements qu’on devrait donner à nos fabrications de fer ; ce sera plutôt la matière combustible qui manquera, si l’on ne donne pas un peu plus d’attention à l’épargne des bois en favorisant l’exploitation des mines de charbon de terre.

Presque toutes nos forges et fourneaux ne sont entretenus que par du charbon de bois[3],

  1. Voyez, ci-devant, l’article qui a pour titre : De la Terre végétale.
  2. Ce n’est qu’en quelques endroits que l’on trouve de ces mines dilatées en gros grains sur une grande étendue de terrain. M. de Grignon en a reconnu quelques-unes de telles en Franche-Comté.
  3. Les charbons de chêne, charme, hêtre et autres bois durs, sont meilleurs pour le fourneau de fusion ; et ceux du tremble, bouleau et autres bois mous sont préférables pour l’affinerie ; mais il faut laisser reposer pendant quelques mois les charbons de bois durs. Le