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les provinces du nord, et dans lesquelles l’élément du fer est toujours mêlé et intimement uni avec une matière vitreuse. La plupart de nos mines de fer sont en petits grains ou en rouille, et elles se trouvent ordinairement à la profondeur de quelques pieds ; elles sont souvent dilatées sur un assez grand espace de terrain, où elles ont été déposées par les anciennes alluvions des eaux avant qu’elles n’eussent abandonné la surface de nos continents : si ces mines ne sont mêlées que de sables calcaires, un seul lavage ou deux suffiront pour les en séparer, et les rendre propres à être mises au fourneau ; la portion de sable calcaire que l’eau n’aura pas emportée servira de castine, il n’en faudra point ajouter, et la fusion de la mine sera facile et prompte ; on observera seulement que, quand la mine reste trop chargée de ce sable calcaire et qu’on n’a pu l’en séparer assez en la lavant ou la criblant, il faut alors y ajouter, au fourneau, une petite quantité de terre limoneuse qui, se convertissant en verre, fait fondre en même temps cette matière calcaire superflue, et ne laisse à la mine que la quantité nécessaire à sa fusion, ce qui fait la bonne qualité de la fonte.

Si ces mines en grains se trouvent au contraire mêlées d’argile fortement attachée à leurs grains, et qu’on a peine d’en séparer par le lavage, il faut le réitérer plusieurs fois, et donner à cette mine, au fourneau, une assez grande quantité de castine ; cette matière calcaire facilitera la fusion de la mine en s’emparant de l’argile qui enveloppe le grain, et qui se fondra par ce mélange : il en sera de même si la mine se trouve mêlée de petits cailloux ; la matière calcaire accélèrera leur fusion ; seulement on doit laver, cribler et vanner ces mines, afin d’en séparer, autant qu’il est possible, les petits cailloux qui souvent y sont en trop grande quantité.

J’ai suivi l’extraction et le traitement de ces trois sortes de mines ; les deux premières étaient en nappes, c’est-à-dire dilatées dans une assez grande étendue de terrain ; la dernière, mêlée de petits cailloux, était au contraire en nids ou en sacs, dans les fentes perpendiculaires des bancs de pierre calcaire : sur une vingtaine de ces mines ensachées dans les rochers calcaires, j’ai constamment observé qu’elles n’étaient mêlées que de petits cailloux quartzeux, de calcédoines et de sables vitreux, mais point du tout de graviers ou de sable calcaire, quoique ces mines fussent environnées de tous côtés de bancs solides de pierres calcaires dont elles remplissaient les intervalles ou fentes perpendiculaires à d’assez grandes profondeurs, comme de cent, cent cinquante et jusqu’à deux cents pieds ; ces fentes, toujours plus larges vers la superficie du terrain, vont toutes en se rétrécissant à mesure qu’on descend, et se terminent par la réunion des rochers calcaires dont les bancs deviennent continus au-dessous ; ainsi, quand ce sac de mine était vidé, on pouvait examiner du haut en bas et de tous côtés les parois de la fente qui la contenait ; elles étaient de pierre purement calcaire, sans aucun mélange de mine de fer ni de petits cailloux : les bancs étaient horizontaux, et l’on voyait évidemment que la fente perpendiculaire n’était qu’une disruption de ces bancs, produite par la retraite et le dessèchement de la matière molle dont ils étaient d’abord composés ; car la suite de chaque banc se trouvait à la même hauteur de l’autre côté de la fente, et tous étaient de même parfaitement correspondants, du haut jusqu’en bas de la fente.

J’ai, de plus, observé que toutes les parois de ces fentes étaient lisses et comme usées par le frottement des eaux, en sorte qu’on ne peut guère douter qu’après l’établissement de la matière des bancs calcaires par lits horizontaux, les fentes perpendiculaires ne se soient d’abord formées par la retraite de cette matière sur elle-même en se durcissant : après quoi, ces mêmes fentes sont demeurées vides, et leur intérieur, d’abord battu par les eaux, n’a reçu que dans des temps postérieurs les mines de fer qui les remplissent.

Ces transports paraissent être les derniers ouvrages de la mer sur nos continents : elle a commencé par étendre les argiles et les sables vitreux sur la roche du globe et sur toutes les matières solides et vitrifiées par le feu primitif ; les schistes se sont formés par le