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fabriquait de très bon fer : il se trouve de même des mines de fer en Virginie[1], où les Anglais ont établi depuis peu des forges ; et, comme ces mines sont très abondantes et se tirent aisément, et presqu’à la surface de la terre, dans toutes ces provinces qui sont actuellement sous leur domination, et que d’ailleurs le bois y est très commun, ils peuvent fabriquer le fer à peu de frais, et ils ne désespèrent pas, dit-on, de fournir ce fer de l’Amérique, au Portugal, à la Turquie, à l’Afrique, aux Indes orientales, et à tous les pays où s’étend leur commerce[2]. Suivant les voyageurs, on a aussi trouvé des mines de fer dans les climats plus méridionaux de ce nouveau continent, comme à Saint-Domingue[3], au Mexique[4], au Pérou[5], au Chili[6], à la Guyane[7] et au Brésil[8] ; et cependant les Mexicains et les Péruviens, qui étaient les peuples les plus policés de ce continent, ne faisaient aucun usage du fer, quoiqu’ils eussent trouvé l’art de fondre les autres métaux, ce qui ne doit pas étonner, puisque dans l’ancien continent il existait des peuples bien plus anciennement civilisés que ne pouvaient l’être les Américains, et que néanmoins il n’y a pas trois mille cinq cents ans que les Grecs ont, les premiers, trouvé les moyens de fondre la mine de fer, et de fabriquer ce métal dans l’île de Crète.

La matière du fer ne manque donc en aucun lieu du monde ; mais l’art de la travailler est si difficile qu’il n’est pas encore universellement répandu, parce qu’il ne peut être avantageusement pratiqué que chez les nations les plus policées, et où le gouvernement concourt à favoriser l’industrie : car, quoiqu’il soit physiquement très possible de faire partout du fer de la meilleure qualité, comme je m’en suis assuré par ma propre expérience, il y a tant d’obstacles physiques et moraux qui s’opposent à cette perfection de l’art que, dans l’état présent des choses, on ne peut guère l’espérer.

Pour en donner un exemple, supposons un homme qui, dans sa propre terre, ait des mines de fer et des charbons de terre, ou des bois en plus grande quantité que les habitants de son pays ne peuvent en consommer, il lui viendra tout naturellement dans l’esprit l’idée d’établir des forges pour consumer ces combustibles, et tirer avantage de ses mines. Cet établissement, qui exige toujours une grosse mise de fonds et qui demande autant d’économie dans la dépense que d’intelligence dans les constructions, pourrait rap-

    aimantée, il la fait varier et produit sur elle presque les mêmes effets et les mêmes mouvements qu’une lame de couteau ordinaire… Quand on pulvérise cette mine, et qu’on verse dessus un peu d’esprit de vitriol, il fermente très peu ou presque point ; mais quand on la jette dans un mélange d’esprit de nitre et de sel marin, ce qui fait une eau régale, il paraît que ce qui est de couleur de cuivre s’y dissout. Ces expériences donnent lieu de penser que le fer est presque partout pur dans cette mine du cap Martin ; celle du Racourci est plus mélangée. » Voyez les Mémoires de l’Académie des sciences de Paris, année 1752, p. 207 et suiv.

  1. Il y a des mines de fer à Falling-Croak, sur la rivière James, dans la Virginie. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 474. — Et même tous les lieux élevés de cette presqu’île sont remplis de mines de fer. Idem, p. 492.
  2. Histoire philosophique et politique des établissements des Européens dans les deux Indes ; Amsterdam, 1772, t. VI, p. 556.
  3. L’île de Saint-Domingue a des mines de fer. Histoire générale des Voyages, t. XII, p. 218.
  4. Le canton de Mertitlan, au Mexique, renferme une quantité de mines de fer. Idem, p. 648.
  5. On trouve aussi au Pérou, dans le territoire de Cuença, plusieurs morceaux de mines de fer attirables à l’aimant. Idem, t. XIII, p. 598.
  6. Il y a aussi des mines de fer au Chili. Idem, p. 412.
  7. La Guyane française est abondante en mines de fer. Idem, t. XIV, p. 377.
  8. Au Brésil, à trente lieues de Saint-Paul au sud, on rencontre les montagnes de Bera-Suéaba, abondantes en mines de fer. Idem, p. 225.