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les soins nécessaires, faire du bon fer avec les plus mauvaises mines : tout dépend du traitement de la mine et du régime du feu, tant au fourneau de fusion qu’à l’affinerie.

Comme l’on sait maintenant fabriquer le fer dans presque toutes les parties du monde, nous pouvons donner ici l’énumération des mines de fer qui se travaillent actuellement chez tous les peuples policés. On connaît en France celles d’Allevard en Dauphiné, qui sont en masses concrètes, et qui donnent de très bon fer et d’assez bon acier pour la fonte, que l’on appelle acier de rive : « J’ai vu, dit M. de Grignon, environ vingt filons de mines spathiques dans les montagnes d’Allevard ; il y en a qui ont six pieds et plus de largeur sur une hauteur incommensurable ; ils marchent régulièrement et sont presque tous perpendiculaires ; on donne le nom de maillat à ceux des filons dont le minerai fond aisément et donne du fer doux, et l’on appelle rive les filons dont le minerai est bien moins fusible et produit du fer dur ; c’est avec le mélange d’un tiers de maillat sur deux tiers de rives, qu’on fait fondre la mine de fer dont on fait ensuite de bon acier connu sous le nom d’acier de rive[1]. »

Les mines du Berri[2], de la Champagne, de la Bourgogne, de la Franche-Comté, du Nivernais, du Languedoc[3] et de quelques autres provinces de France, sont pour la plu-

    ensuite du différent travail des ouvriers à l’affinerie. On fait, en Suède, le meilleur fer du monde avec les plus mauvaises mines, c’est-à-dire avec les mines les plus aigres et les plus réfractaires ; mais au moyen du grillage, avant de les jeter au fourneau, et ensuite en tenant plus longtemps la fonte en fusion, et enfin par l’emploi du charbon doux à l’affinerie, on donne au fer un grand degré de perfection. Nous pouvons rendre bons tous nos mauvais fers en les forgeant une seconde fois et repliant la barre sur elle-même ; le marteau en fera sortir une matière vitrifiée, il y aura du déchet pour le volume et le poids, mais la qualité du fer en sera bien meilleure. Nous pouvons de même purifier nos fontes d’abord en les laissant plus longtemps au fourneau, et mieux encore en les faisant fondre une seconde fois.

    Pour avoir du bon fer avec toute espèce de mines, en masse de pierre ou roche, il faut nécessairement les faire griller d’abord en les réduisant en très petits morceaux avant de les jeter au fourneau : cette préparation par le grillage n’est pas nécessaire pour les mines en grains, qu’il suffira de bien laver pour en séparer, autant qu’il est possible, les terres et les sables. Mémoires de Physique, de M. Grignon, p. 39.

  1. Note communiquée par M. le chevalier de Grignon, le 21 septembre 1778.
  2. Dans le Berri, le fer est si commun que je ne crois pas qu’on puisse assigner aucun endroit dont on n’en puisse tirer : aussi travaille-t-on beaucoup ce métal, et fait-il l’objet d’un commerce important. On ne le cherche pas bien profondément dans les entrailles de la terre, et il n’est pas distribué par filons comme les autres métaux ; il est répandu sur la surface, ou tout au plus à quelques pieds de profondeur… On creuse jusqu’à quatre ou cinq pieds, et on en tire une terre jaune mêlée de cailloux et de petites boules rougeâtres, grosses comme des pois : c’est la mine de fer ; la meilleure est celle qui est la plus ronde, pesante, rouge et brillante en dedans, et non pas noire. On débarrasse cette mine de la terre jaune (qui est une espèce d’ocre), en la mettant dans des corbeilles que l’on promène dans les mares ; l’eau délaie et emporte la terre, et ne laisse que la mine et les cailloux : par une autre opération, mais fort grossière, on sépare les cailloux d’avec la mine, en sorte qu’il en reste toujours une quantité considérable. Cette mine en grains donne un fer très doux, mais fournit peu ; on la mêle avec une autre qu’on tire en gros quartiers, dans des carrières au village de Sans, près Sancerre ; on casse celle-ci en petits morceaux d’un pouce cubique, etc. Observations d’histoire naturelle, par M. le Monnier : Paris, 1739, p. 117.
  3. On trouve dans le vallon de Trépalon (diocèse d’Alais) une quantité de mines de fer à l’opposite de celles de charbon ; elles sont d’une bonne qualité… Leurs veines, après avoir traversé le Gardon, un peu au-dessus de la Blaquière, se trouvent recouvertes d’un banc d’ocre naturelle qui est très belle, et dont on pourrait tirer parti. Les veines de fer traversent celles du charbon, qu’elles interceptent un peu au-dessus du Mas-des-Bois, après quoi, celles