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en sorte qu’il se fond seul et sans addition de matière calcaire. Ces mines de Danemora sont au bord d’un grand lac ; les filons en sont presque perpendiculaires et parallèles dans une direction commune du nord-est au sud-ouest ; quoique tous les rochers soient de granit, les filons de fer sont toujours, comme ceux des mines précédentes, dans une pierre bleuâtre[1] : il y a actuellement dix mines en exploitation sur trois filons bien distincts ; la plus profonde de ces mines est exploitée jusqu’à quatre-vingts toises de profondeur ; elle est, comme toutes les autres, fort incommodée par les eaux : on les exploite comme des carrières de pierre dure, en faisant au jour de très grandes ouvertures. Le minéral est très attirable à l’aimant ; on lui donne sur tous les autres la préférence pour être converti en acier ; on y trouve quelquefois de l’asbeste : on exploite ces mines tant avec la poudre à canon qu’avec de grands feux de bois allumés, et l’on jette ce bois depuis le dessus de la grande ouverture. Après l’extraction de ces pierres de fer en quartiers plus ou moins gros, on en impose de deux pieds de hauteur sur une couche de bois de sapin de deux pieds d’épaisseur, et l’on couvre le minéral d’un pied et demi de poudre de charbon, et ensuite on met le feu au bois : le minéral, attendri par ce grillage[2], est broyé sous un marteau ou bocard, après quoi on le jette au fourneau seul et sans addition de castine. »

Dans plusieurs endroits, les mines de fer en roche sont assez magnétiques pour qu’on puisse les trouver à la boussole ; cet indice est l’un des plus certains pour distinguer les mines de première formation par le feu de celles qui n’ont ensuite été formées que par l’intermède de l’eau ; mais, de quelque manière et par quelque agent que ces mines aient été travaillées, l’élément du fer est toujours le même[3], et l’on peut, en y mettant tous

    être du feldspath ou du schorl, qui non seulement sont très fusibles par eux-mêmes, mais qui communiquent de la fusibilité aux substances dans lesquelles ils se trouvent incorporés.

  1. M. Jars ne dit pas si cette pierre bleue est vitreuse ou calcaire ; sa couleur bleue provient certainement du fer qui fait partie de sa substance, et je présume que sa fusibilité peut provenir du feldspath et du schorl qui s’y trouvent mêlés, et qu’elle ne contient point de substance calcaire à laquelle on pourrait attribuer sa fusibilité. Ma présomption est fondée sur ce que cette mine descend jusqu’à quatre-vingts toises dans un terrain qui n’est environné que de granit, et où M. Jars ne dit pas avoir observé des bancs de pierre calcaire ; il me paraît donc que cette mine de Danemora est de première formation, comme celles de Presberg et de Nordmarck, et que, quoiqu’elle soit plus fusible, elle ne contient que de la matière vitreuse, comme toutes les autres mines de fer primitives.
  2. « Le but du rôtissage des mines est moins pour dissiper les parties volatiles, quoiqu’il remplisse cet objet lorsque le minéral en contient, que de rompre le gluten, et de désunir les parties terreuses d’avec les métalliques… De dur et compact, il devient, après le rôtissage, tendre, friable et attirable par l’aimant, supposé qu’il ne le fût pas auparavant : l’air avec le temps peut produire le même effet que le rôtissage, mais il ne rend pas le minerai attirable par l’aimant… Si le rôtissage est trop fort, le minerai produit moins de métal… En Norvège et en Suède, où les minerais sont attirables par l’aimant, et par conséquent plus métallisés naturellement que ceux que nous avons en France, on les rôtit toujours préalablement à la fonte qui se fait dans les hauts fourneaux…

    » Si l’on prend les mêmes espèces de minerai de fer, que l’on en fasse rôtir la moitié, et qu’on les fonde séparément… on obtiendra des fontes dont la différence sera sensible ; la fonte qui proviendra du minerai rôti sera plus pure que l’autre, le feu du grillage ayant commencé à désunir les parties terreuses d’avec les métalliques, et à dissiper l’acide sulfureux s’il y en avait, ainsi que les parties volatiles. » Voyages métallurgiques, par M. Jars, t. Ier, p. 8 et 12.

  3. Le fer est un : ce qui en a fait douter, c’est la variété presque infinie qui se trouve dans les fers, telle qu’avec la même mine et dans la même forge on a souvent de bon et de mauvais fer ; mais ce n’est pas que l’élément du fer ne soit le même, et ces différences viennent d’abord des matières hétérogènes qu’on est obligé de fondre avec la mine, et