Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

difficilement à bout de le briser, et il refuserait même d’entrer en fusion au feu du fourneau, ou n’y entrerait qu’avec beaucoup plus de temps ; il faut toujours y mêler une bonne quantité de castine ou matière calcaire. Le traitement de ces mines exige donc une plus grande dépense que celui des mines en grains, par la consommation plus grande des combustibles employés à leur réduction ; et, à moins qu’elles ne soient, comme celles de Suède, très riches en métal, ou que les combustibles ne soient à très bas prix, le produit ne suffit pas pour payer les frais du travail.

Il n’en est pas de même des mines en concrétions et en masses spathiques ou mélangées de matières calcaires ; il est rarement nécessaire de les griller[1] : on les casse aisément au sortir de leur minière, et elles se fondent avec une grande facilité et sans addition, sinon d’un peu de terre limoneuse ou d’autre matière vitrifiable lorsqu’elles se trouvent trop chargées de substance calcaire ; ces mines sont donc celles qui donnent le plus de produit relativement à la dépense.

Pour qu’on puisse se former quelque idée du gisement et de la qualité des mines primordiales ou roches de fer, nous croyons devoir rapporter ici les observations que M. Jars, de l’Académie des sciences, a faites dans ses voyages. « En Suède, dit-il, la mine de Nordmarck, à trois lieues au nord de Philipstadt, est en filons perpendiculaires, dans une montagne peu élevée au milieu d’un très large vallon ; les filons suivent la direction de la montagne qui est du nord au sud, et ils sont presque tous à très peu près parallèles ; ils ont en quelques endroits sept ou huit toises de largeur. Les montagnes de ce district, et même de toute cette province, sont de granit ; mais les filons de mine de fer se trouvent aux environs, dans une espèce de pierre bleuâtre et brunâtre : cette pierre est unie aux filons de fer, comme le quartz l’est au plomb, au cuivre, etc. Lorsque le granit s’approche du filon, il le dérange et l’oblitère ; ainsi les filons de fer ne se trouvent point dans le granit : le meilleur indice est le mica blanc et noir à grandes facettes ; on est presque toujours sûr de trouver, au-dessous, du minéral riche. Il y a aussi de la pierre calcaire aux environs des granits ; mais le fer ne s’y trouve qu’en rognons, et non pas en filons, ce qui prouve qu’il est de seconde formation dans ces pierres calcaires. Le minéral est attirable à l’aimant ; il est très dur, très compact et fort pesant, il donne plus de cinquante pour cent de bonne fonte ; ces mines sont en masses, et on les travaille comme nous exploitons nos carrières les plus dures avec de la poudre.

» Les mines de Presberg, à deux lieues à l’Orient de Philipstadt, sont de même en filons et dans des rochers assez semblables à ceux de Nordmarck ; ces filons sont quelquefois accompagnés de grenats, de schorl et d’une pierre micacée assez semblable à la craie de Briançon ; ils sont situés dans une presqu’île environnée d’un très grand lac ; ils sont parallèles et vont comme la presqu’île, du nord au sud.

» On dédaigne d’exploiter les filons qui n’ont pas au moins une toise d’épaisseur ; le minéral rend en général cinquante pour cent de fonte. Les filons sont presque perpendiculaires, et les différentes mines ont depuis douze jusqu’à quarante toises de profondeur.

» On fait griller le minéral avant de le jeter dans les hauts fourneaux, qui ont environ vingt-cinq pieds de hauteur ; on le fond à l’aide d’une castine calcaire.

» Les mines de Danemora, dans la province d’Upland, à une lieue d’Upsal, sont les meilleures de toute la Suède : le minéral est communément uni avec une matière fusible[2],

  1. Il y a cependant, dans les Pyrénées et dans le Dauphiné, des mines spathiques où la matière calcaire est si intimement unie et en si grande quantité avec la substance ferrugineuse, qu’il est nécessaire de les griller, afin de réduire en chaux cette matière calcaire, que l’on en sépare ensuite par le lavage ; mais ces sortes de mines ne font qu’une légère exception à ce qui vient d’être dit.
  2. J’observerai que, si cette mine est de première formation, la matière dont le minéral est mélangé et qui lui est intimement unie ne doit pas être calcaire, mais que ce pourrait