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dans leur composition et dans celle des animaux, qui les ont ensuite rendues à la terre, par la pourriture et la destruction de leur corps. Ces mêmes molécules ferrugineuses, ayant passé par le corps des êtres organisés, ont conservé une partie des éléments du feu dont elles étaient animées, pendant qu’ils étaient vivants ; et c’est de la réunion de ces molécules de fer animées de feu que se sont formées les pyrites, qui ne contiennent en effet que du fer, du feu fixe et de l’acide, et qui d’ailleurs, se présentant toujours sous une forme régulière, n’ont pu la recevoir que par l’impression des molécules organiques, encore actives dans les derniers résidus des corps organisés. Et comme les végétaux, produits et détruits dans les premiers âges de la nature, étaient en nombre immense, la quantité des pyrites, produites par leurs résidus, est de même si considérable qu’elle surpasse en quelques endroits celle des mines de fer en rouille et en grains, et les pyrites se trouvent souvent enfouies à de plus grandes profondeurs que les unes et les autres.

C’est de la décomposition successive de ces pyrites et de tous les autres détriments du fer primordial ou secondaire que se sont ensuite formées les concrétions spathiques et les mines en masses ou en grains, qui toutes sont de seconde et de troisième formation : car, indépendamment des mines en rouilles ou en grains, qui ont autrefois été transportées, lavées et déposées par les eaux de la mer, indépendamment de celles qui ont été produites par la destruction des pyrites et par celle de tout le fer dont nous faisons usage, on ne peut douter qu’il ne se forme encore tous les jours de la mine de fer en grains dans la terre végétale, et des pyrites dans toutes les terres imprégnées d’acide et que, par conséquent, les mines secondaires de fer ne puissent se reproduire plusieurs fois de la même manière qu’elles ont d’abord été produites, c’est-à-dire avec les mêmes molécules ferrugineuses, provenant originairement des détriments des roches primordiales de fer, qui se sont mêlées dans toutes les matières brutes et dans tous les corps organisés, et qui ont successivement pris toutes les formes sous lesquelles nous venons de les présenter.

Ainsi ces différentes transformations du fer n’empêchent pas que ce métal ne soit un dans la nature, comme tous les autres métaux : ses mines, à la vérité, sont plus sujettes à varier que toutes les autres mines métalliques, et, comme elles sont en même temps les plus difficiles à traiter, et que les expériences, surtout en grand, sont longues et très coûteuses, et que les procédés, ainsi que les résultats des routines ou méthodes ordinaires, sont très différents les uns des autres, bien des gens se sont persuadé que la nature, qui produit partout le même or, le même argent, le même cuivre, le même plomb, le même étain, s’était prêtée à une exception pour le fer, et qu’elle en avait formé de qualités très différentes, non seulement dans les divers pays, mais dans les mêmes lieux. Cependant cette idée n’est point du tout fondée : l’expérience m’a démontré que l’essence du fer est toujours et partout la même[1], en sorte que l’on peut, avec les plus mauvaises mines, venir à bout de faire des fers d’aussi bonne qualité qu’avec les meilleures ; il ne faut pour cela que purifier ces mines en les purgeant de la trop grande quantité de matières étrangères qui s’y trouvent ; le fer qu’on en tirera sera dès lors aussi bon qu’aucun autre.

Mais, pour arriver à ce point de perfection, il faut un traitement différent suivant la nature de la mine ; il faut l’essayer en petit et la bien connaître avant d’en faire usage en grand, et nous ne pouvons donner sur cela que des conseils généraux, qui trouveront néanmoins leur application particulière dans un très grand nombre de cas. Toute roche primordiale de fer, ou mine en roche mélangée de matière vitreuse, doit être grillée pendant plusieurs jours, et ensuite concassée en très petits morceaux avant d’être mise au fourneau ; sans cette première préparation, qui rend le minéral moins dur, on ne viendrait que très

  1. Voyez ce que j’ai dit à ce sujet dans la Partie expérimentale, t. II, quatrième Mémoire et suivants.