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concasser et laver. Mais on doit employer de préférence les mines en petits grains, qui sont aussi plus communes et plus riches que les mines en géodes ou en très gros grains.

Comme toutes nos mines de fer en grains ont été amenées et déposées par les eaux de la mer, et que, dans ce mouvement de transport, chaque flot n’a pu se charger que de matières d’un poids et d’un volume à peu près égal, il en résulte un effet qui, quoique naturel, a paru singulier ; c’est que, dans chacun de ces dépôts, les grains sont tous à peu près égaux en grosseur, et sont en même temps de la même pesanteur spécifique. Chaque minière de fer a donc son grain particulier : dans les unes les grains sont aussi petits que la graine de moutarde ; dans d’autres, ils sont comme de la graine de navette, et dans d’autres, ils sont gros comme des pois. Et les sables ou graviers, soit calcaires, soit vitreux, qui ont été transportés par les eaux avec ces grains de fer, sont aussi du même volume et du même poids que les grains, à très peu près, dans chaque minière. Souvent ces mines en grains sont mêlées de sables calcaires, qui, loin de nuire à la fusion, servent de castine ou fondant ; mais quelquefois aussi elles sont enduites d’une terre argileuse et grasse, si fort adhérente aux grains qu’on a grande peine à la séparer par le lavage ; et si cette terre est de l’argile pure, elle s’oppose à la fusion de la mine, qui ne peut s’opérer qu’en ajoutant une assez grande quantité de matière calcaire : ces mines mélangées de terres attachantes, qui demandent beaucoup plus de travail au lavoir et beaucoup plus de feu au fourneau, sont celles qui donnent le moins de produit relativement à la dépense. Cependant, en général, les mines en grains coûtent moins à exploiter et à fondre que la plupart des mines en roches, parce que celles-ci exigent de grands travaux pour être tirées de leur carrière, et qu’elles ont besoin d’être grillées pendant plusieurs jours avant d’être concassées et jetées au fourneau de fusion.

Nous devons ajouter à cet état du fer en grains celui du fer en stalactites ou concrétions continues, qui se sont formées soit par l’agrégation des grains, soit par la dissolution et le flux de la matière dont ils sont composés, soit par des dépôts de toute autre matière ferrugineuse, entraînée par la stillation des eaux : ces concrétions ou stalactites ferrugineuses sont quelquefois très riches en métal, et souvent aussi elles sont mêlées de substances étrangères et surtout de matières calcaires, qui facilitent leur fusion et rendent ces mines précieuses par le peu de dépense qu’elles exigent et le bon produit qu’elles donnent.

On trouve aussi des mines de fer mêlées de bitume et de charbon de terre ; mais il est rare qu’on puisse en faire usage, parce qu’elles sont presque aussi combustibles que ce charbon[1], et que souvent la matière ferrugineuse y est réduite en pyrites, et s’y trouve en trop petite quantité pour qu’on puisse l’extraire avec profit.

Enfin le fer disséminé sur la terre se trouve encore dans un état très différent des trois états précédents ; cet état est celui de pyrite, minéral ferrugineux dont le fond n’est que du fer décomposé et intimement lié avec la substance du feu fixe qui a été saisie par l’acide ; la quantité de ces pyrites ferrugineuses est peut-être aussi grande que celle des mines de fer en grains et en rouille : ainsi, lorsque les détriments du fer primordial n’ont été attaqués que par l’humidité de l’air ou l’impression de l’eau, ils se sont convertis en rouille, en ocre, ou formés en stalactites et en grains ; et, quand ces mêmes détriments ont subi une violente action du feu, soit dans les volcans, soit par d’autres incendies, ils ont été brûlés autant qu’ils pouvaient l’être, et se sont transformés en mâchefer, en sablons et paillettes attirables à l’aimant ; mais, lorsque ces mêmes détriments, au lieu d’être travaillés par les éléments humides ou par le feu, ont été saisis par l’acide chargé de la substance du feu fixe, ils ont, pour ainsi dire, perdu leur nature de fer, et ils ont

  1. M. Cronstedt, dans les Mémoires de l’Académie de Suède, année 1751, t. XII, p. 230, a donné la description détaillée d’une de ces mines de fer combustible.