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De quelque qualité que soient les mines de fer en roches solides, on est obligé de les concasser et de les réduire en morceaux gros comme des noisettes avant de les jeter au fourneau ; mais, pour briser plus aisément les blocs de ce minéral ordinairement très dur, on est dans l’usage de les faire griller au feu ; on établit une couche de bois sec, sur laquelle on met ces gros morceaux de minéral que l’on couvre d’une autre couche de bois, puis un second lit de minéral, et ainsi alternativement jusqu’à cinq ou six pieds de hauteur, et après avoir allumé le feu, on le laisse consumer tout ce qui est combustible et s’éteindre de lui-même : cette première action du feu rend le minéral plus tendre ; on le concasse plus aisément, et il se trouve plus disposé à la fusion qu’il doit subir au fourneau ; toutes les roches de fer qui ne sont mélangées que de substances vitreuses exigent qu’on y joigne une certaine quantité de matière calcaire pour en faciliter la fonte ; celles au contraire qui ne contiennent que peu ou point de matière vitreuse, et qui sont mélangées de substances calcaires, demandent l’addition de quelque matière vitrescible, telle que la terre limoneuse, qui, se fondant aisément, aide à la fusion de ces mines de fer et s’empare des parties calcaires dont elles sont mélangées.

Les mines qui ont été produites par le feu primitif sont, comme nous l’avons dit, toutes attirables à l’aimant, à moins que l’eau ne les ait décomposées et réduites en rouille, en ocre, en grains ou en concrétion ; car elles perdent dès lors cette propriété magnétique ; cependant les mines primitives ne sont pas les seules qui soient attirables à l’aimant ; toutes celles de seconde formation qui auront subi l’action du feu soit dans les volcans, soit par les incendies des forêts, sont également et souvent aussi susceptibles de cette attraction ; en sorte que, si l’on s’en tenait à cette seule propriété, elle ne suffirait pas pour distinguer les mines ferrugineuses de première formation de toutes les autres qui, quoique de formation bien postérieure, sont également attirables à l’aimant ; mais il y a d’autres indices assez certains par lesquels on peut les reconnaître. Les matières ferrugineuses primitives sont toutes en très grandes masses et toujours intimement mêlées de matière vitreuse ; celles qui ont été produites postérieurement par les volcans ou par d’autres incendies ne se trouvent qu’en petits morceaux, et le plus souvent en paillettes et en sablons, et ces sablons ferrugineux et très attirables à l’aimant sont ordinairement bien plus réfractaires au feu que la roche de fer la plus dure : ces sablons ont apparemment essuyé une si forte action du feu qu’ils ont pour ainsi dire changé de nature et perdu toutes leurs propriétés métalliques, car il ne leur est resté que la seule qualité d’être attirables à l’aimant, qualité communiquée par le feu, et qui, comme l’on voit, n’est pas essentielle à toute matière ferrugineuse, puisque les mines qui ont été formées par l’intermède de l’eau en sont dépourvues ou dépouillées, et qu’elles ne reprennent ou n’acquièrent cette propriété magnétique qu’après avoir passé par le feu.

Toute la quantité, quoique immense, du fer disséminé sur le globe provient donc originairement des débris et détriments des grandes masses primitives, dans lesquelles la substance ferrugineuse est mêlée avec la matière vitreuse et s’est consolidée avec elle ; mais ce fer disséminé sur la terre se trouve dans des états très différents, suivant les impressions plus ou moins fortes qu’il a subies par l’action des autres éléments et par le mélange de différentes matières. La décomposition la plus simple du fer primordial est sa conversion en rouille : les faces des roches ferrugineuses, exposées à l’action de l’acide aérien[NdÉ 1], se sont couvertes de rouille, et cette rouille de fer, en perdant sa propriété magnétique, a néanmoins conservé ses autres qualités, et peut même se convertir en métal plus aisément que la roche dont elle tire son origine. Ce fer, réduit en rouille et

  1. Nous savons que Buffon appelle acide aérien l’acide carbonique. Il commet donc ici une erreur en attribuant la formation de la rouille à l’action de « l’acide aérien » sur la rouille ; c’est l’oxygène qui en détermine la production en se combinant avec le fer.