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matières hétérogènes ; car de la même manière que nous voyons se former des stalactites plus ou moins pures dans toutes les matières terrestres, ces grains de mine de fer, qui sont de vraies stalactites de la terre végétale imprégnée de fer, peuvent être aussi plus ou moins purs, c’est-à-dire plus ou moins chargés de parties métalliques ; et par conséquent, ces mines peuvent être plus riches en métal que le minerai en roche, qui, ayant été formé par le feu primitif, contient toujours une quantité considérable de matière vitreuse ; je dois même ajouter que les mines en stalactites et en masses concrètes en fournissent un exemple sensible : elles sont, comme les mines en grains, formées par l’intermède de l’eau, et quoiqu’elles soient toujours mêlées de matières hétérogènes, elles donnent assez ordinairement une plus grande quantité de fer que la plupart des mines de première formation.

Ainsi, toute mine de fer, soit qu’elle ait été produite par le feu primitif ou travaillée par l’eau, est toujours mélangée d’une plus ou moins grande quantité de substances hétérogènes ; seulement on doit observer que, dans les mines produites par le feu, le fer est toujours mélangé avec une matière vitreuse, tandis que, dans celles qui ont été formées par l’intermède de l’eau, le mélange est plus souvent de matière calcaire[1] : ces dernières mines, qu’on nomme spathiques[2], à cause de ce mélange de spath ou de parties calcaires, ne sont point attirables à l’aimant, parce qu’elles n’ont pas été produites par le feu et qu’elles ont été, comme les mines en grains ou en rouille, toutes formées du détriment des premières roches ferrugineuses qui ont perdu leur magnétisme par cette décomposition ; néanmoins, lorsque ces mines secondaires, formées par l’intermède de l’eau, se trouvent mêlées de sablons ferrugineux qui ont passé par le feu, elles sont alors attirables à l’aimant, parce que ces sablons, qui ne sont pas susceptibles de rouille, ne perdent jamais cette propriété d’être attirables à l’aimant.

La fameuse montagne d’Eisenhartz, en Styrie, haute de quatre cent quatre-vingts toises, est presque toute composée de minéraux ferrugineux de différentes qualités : on en tire, de temps immémorial, tout le fer et l’acier qui se fabriquent dans cette contrée, et l’on a observé[3] que le minéral propre à faire de l’acier était différent de celui qui est propre à faire du bon fer. Le minéral le plus riche en acier, que l’on appelle phlint, est blanc, fort dur et difficile à fondre ; mais il devient rouge ou noir et moins dur en s’effleurissant dans la mine même ; celui qui est le plus propre à donner du fer doux est le plus tendre ; il est aussi plus fusible, et quelquefois environné de rouille ou d’ocre : le noyau et la masse principale de cette montagne sont sans doute de fer primordial produit par le feu primitif, duquel les autres minéraux ferrugineux ne sont que des exsudations, des concrétions, des stalactites plus ou moins mélangées de matière calcaire, de pyrites et d’autres substances dissoutes ou délayées par l’eau et qui sont entrées dans la composition de ces masses secondaires lorsqu’elles se sont formées.

  1. « Les mines de fer de Rougei en Bretagne sont en masses de rocher, de trois quarts de lieue d’étendue, sur quinze à dix-huit pieds d’épaisseur, disposées en bancs horizontaux ; elles sont de seconde formation, et sont en même temps mêlées de matières silicées. » Je ne cite cet exemple que pour faire voir que les mines de seconde formation se trouvent quelquefois mêlées de matières vitreuses ; mais, dans ce cas, ces matières vitreuses sont elles-mêmes de seconde formation : ce fait m’a été fourni par M. de Grignon, qui a observé ces mines en Bretagne. — Les fameuses mines de fer de Hattemberg, en Carinthe, sont dans une montagne qui est composée de pierres calcaires grisâtres, disposées par couches, et qui se divisent en feuillets lorsqu’elles sont longtemps exposées à l’air. Le minerai y est rarement en filons réguliers, et il se trouve presque toujours en grandes masses. Voyages minéralogiques de M. Jaskevisch ; Journal de Physique, décembre 1782.
  2. Il y a de ces mines spathiques attirables à l’aimant dans le Dauphiné et dans les Pyrénées.
  3. Voyages métallurgiques, par M. Jars, t. Ier, p. 29 et 30.