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quelquefois au-dessous des veines de charbon, et qui sont l’un des plus sûrs indices de la présence de ce fossile : et ces houilles ne sont autre chose que nos terreaux[1] purs ou mêlés d’une petite quantité de bitume : la vase qui se dépose dans la mer par couches inclinées, suivant la pente du terrain, et s’étend souvent à plusieurs lieues du rivage comme à la Guyane, n’est autre chose que le terreau des arbres ou autres végétaux qui, trop accumulés sur ces terres inhabitées, sont entraînés par les eaux courantes ; et les huiles végétales de cette vase, saisies par les acides de la mer, deviendront avec le temps de véritables houilles bitumineuses, mais toujours légères et friables, comme le terreau dont elles tirent leur origine, tandis que les végétaux eux-mêmes moins décomposés, étant de même entraînés et déposés par les eaux, ont formé les véritables veines de charbon de terre dont les caractères distinctifs et différents de ceux de la houille se reconnaissent à la pesanteur du charbon, toujours plus compact que la houille, et au gonflement qu’il prend au feu en s’y boursouflant comme le limon, et en donnant de même une scorie plus ou moins poreuse.

Ainsi je crois pouvoir conclure de ces réflexions et observations, que l’argile n’entre que peu ou point dans la composition du charbon de terre ; que le soufre n’y entre que sous la forme de matière pyriteuse qui se combine avec la substance végétale, de sorte que l’essence du charbon est entièrement de matière végétale, tant sous la forme de bitume que sous celle du végétal même. Les impressions si multipliées des différentes plantes qu’on voit dans tous les schistes limoneux qui servent de toits aux veines de charbon sont des témoins qu’on ne peut récuser, et qui démontrent que c’est aux végétaux qu’est due la substance combustible que ces schistes contiennent.

Mais, dira-t-on, ces schistes qui non seulement couvrent, mais accompagnent et enve-

    p. 31. — M. Morand, de l’Académie des sciences, qui a fait un très grand et bon ouvrage sur le charbon de terre, a regardé, avec la plupart des minéralogistes, les noms de houille et de charbon de terre comme synonymes ; il dit que dans le pays de Liège on distingue les matières combustibles des mines en houille grasse, en houille maigre, en charbons forts et en charbons faibles… Cette houille grasse s’emploie à Liège dans les foyers, elle se colle aisément au feu, elle rend plus de chaleur que la houille maigre… Elle se réduit pour la plus grande partie en cendres grisâtres, mais plus graveleuses que celles du bois ; son feu est trop ardent, et elle est trop grasse pour que les maréchaux puissent s’en servir : le feu de la houille maigre est plus faible, elle est presque généralement en usage pour les feux domestiques… Elle dure plus longtemps au feu, et, lorsque son peu de bitume est consumé, elle se réduit en braise, qu’on allume sans qu’elle donne de l’odeur ni presque de fumée. Les charbons forts sont d’une couleur noire plus décidée et plus frappante que les charbons faibles ; ils sont gras au toucher et comme onctueux par la grande quantité de bitume qu’ils contiennent : ces charbons forts sont excellents dans tous les cas où il faut un feu d’une grande violence, comme dans les plus grosses forges ; ils pénètrent également les parties du fer, les rendent propres à recevoir toutes sortes d’impressions, réunissent même les parties qui ne seraient pas assez liées ; mais, par sa trop grande ardeur, ce charbon fort ne convient pas plus aux maréchaux que la houille grasse.

    Le charbon faible est toujours un charbon qui se trouve aux extrémités d’une veine ; il donne beaucoup moins de chaleur que le charbon fort, et ne peut servir qu’aux cloutiers, aux maréchaux et aux petites forges, pour lesquelles on a besoin d’un feu plus doux… Son usage ordinaire est pour les briquetiers ou tuiliers, et pour les fours à chaux où le feu trop violent des charbons forts pénétrerait trop précipitamment les parties de la terre et de la pierre, les diviserait et les détruirait… Les charbons faibles se trouvent aussi dans les veines très minces, ils sont toujours menus, et souvent en poussière. Du charbon de terre, etc., p. 77 et suiv.

  1. « C’est dans une pareille terre que j’ai trouvé, à huit pieds de profondeur, des racines encore très reconnaissables, environnées de terreau où l’on aperçoit déjà quelques couches de petits cubes de charbon. » Note communiquée par M. de Morveau.