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Europe et en Asie : les voyageurs citent les salines du cap de Bonne-Espérance[1] : Kolbe surtout s’étend beaucoup sur la manière dont s’y forme le sel et sur les moyens de le

    et la difficulté des chemins empêchent de tirer du sel de ce port, la nature a pourvu à leurs besoins d’une autre manière. Le vent d’est fait entrer l’eau de la mer dans le port de Leaouva ; et, lorsque ensuite le vent d’ouest amène le beau temps, cette eau se congèle, et fournit aux habitants plus de sel qu’ils n’en peuvent employer. Idem, t. VIII, p. 520.

    Dans le royaume d’Asem, on fait du sel en faisant sécher et brûler ensuite cette verdure qui se trouve ordinairement sur les eaux dormantes : les cendres qui en proviennent étant bouillies et passées servent de sel. La seconde méthode est de prendre de grandes feuilles de figuier que l’on sèche et que l’on brûle de même. Les cendres sont une espèce de sel d’une âcreté si piquante, qu’il serait impossible d’en manger s’il n’était adouci : on met les cendres dans l’eau ; on les y remue l’espace de dix ou douze heures ; ensuite on passe cette eau trois fois dans un linge, et puis on la fait bouillir ; à mesure qu’elle bout, le fond s’épaissit, et lorsqu’elle est consumée, on trouve au fond de la chaudière un sel blanc et d’assez bon goût. C’est de la cendre des mêmes feuilles qu’on fait dans le royaume d’Asem une lessive dont on blanchit les soies ; si le pays avait plus de figuiers, les habitants feraient toutes leurs soies blanches, parce que la soie de cette couleur est beaucoup plus claire que l’autre. Hist. génér. des Voy., t. IX, p. 548.

  1. Dans les environs de la baie de Saldanha, qui sont habités par les Kochoquas ou Salthanchaters, il y a plusieurs mines de sel dont les étrangers font commerce… Il y a aussi des salines dans plusieurs endroits du pays des Damaquas, mais elles ne sont d’aucun usage, parce qu’elles sont trop éloignées des habitations européennes, et que les Hottentots ne mangent jamais de sel… Dans toutes les terres du cap de Bonne-Espérance, le sel est formé par l’action du soleil sur l’eau des pluies ; ces eaux s’amassent dans des espèces de bassins naturels pendant la saison des pluies ; elles entraînent avec elles, en descendant des montagnes et des collines, un limon gras dont la couleur est plombée, et c’est sur ce limon que se forme le sel dans les bassins.

    L’eau, en descendant dans ces bassins, est toujours noirâtre et sale ; mais au bout de quelque temps elle devient claire et limpide, et ne redevient noirâtre que dans le mois d’octobre, temps auquel elle commence à devenir salée ; à mesure que la chaleur de l’été devient plus grande, elle prend un goût plus âcre et plus salé, et sa couleur devient enfin d’un rouge foncé : les vents du sud-est, soufflant alors avec force, agitent cette eau et accélèrent l’évaporation… Le sel commence à paraître sur les bords ; sa quantité augmente de jour en jour, et vers le solstice d’été les bassins se trouvent remplis d’un beau sel blanc, dont la couche a quelquefois six pouces d’épaisseur, surtout si les pluies ont été assez considérables pour remplir d’eau ces creux ou ces bassins naturels…

    Dès que le sel est ainsi formé, chaque habitant des colonies en fait sa provision pour toute l’année ; il n’a besoin pour cela d’aucune permission, ni de payer aucun droit : il y a seulement deux bassins qui sont réservés pour la Compagnie hollandaise et pour le gouvernement, et dans lesquels les colons ne prennent point de sel…

    Ce sel du cap de Bonne-Espérance est blanc et transparent ; ses grains ont ordinairement six angles, et quelquefois plus ; le plus blanc et le plus fin est celui qui se tire du milieu du bassin, c’est-à-dire de l’endroit où la couche de sel est la plus épaisse… Celui des bords est grossier, dur et amer ; cependant on le préfère pour saler la viande et le poisson, parce qu’il est plus dur à fondre que celui du milieu du bassin ; mais ni l’un ni l’autre ne vaut celui d’Europe pour ces sortes de salaisons, et les viandes qui en sont salées ne peuvent jamais soutenir un long voyage.

    La manière dont se forme ce sel ressemble trop à celle dont se produit le nitre pour ne pas supposer que le sel du Cap vient en bonne partie du nitre que le terrain et l’air contiennent dans ce pays… Ces parties nitreuses descendent peu à peu sur la terre où elles restent renfermées jusqu’à ce que les pluies, tombant en abondance, lavent le terrain et les entraînent avec elles dans les bassins… D’un autre côté, on a lieu de présumer que le terrain des vallées du Cap est naturellement salé, puisque l’herbe qui croît dans ces vallées a