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couche de sel que l’on trouva s’étendre de l’Égypte à l’Arabie[1]. La mer Caspienne et plusieurs autres lacs sont plus ou moins salés[2] : ainsi, dans les terres les plus éloignées de l’océan, l’on ne manque pas plus de sel que dans les contrées maritimes, et partout il ne coûte que les frais de l’extraction ou de l’évaporation. On peut voir, dans les notes ci-jointes, la manière dont on recueille le sel à la Chine, au Japon et dans quelques autres provinces de l’Asie[3]. En Afrique, il y a peut-être encore plus de mines de sel qu’en

  1. « Invenit et juxta Pelusium Ptolemæus rex, cùm castra faceret ; quo exemplo postea inter Ægyptum et Arabiam cœptum est inveniri, detractis arenis. » Lib. xxxi, cap. i, sect. 39.
  2. Pline, en parlant des rivières salées, qu’il place dans la mer Caspienne, dit que le sel forme une croûte à la surface, sous laquelle le fleuve coule comme s’il était glacé ; ce qu’on ne peut néanmoins entendre que des mers et des anses, où l’eau tranquille et dormante et baissant dans les chaleurs donnait lieu à la voûte de sel de se former : « Sed et summa fluminum durantur in salem, amne reliquo veluti sub gelu fluente, ut apud Caspias portas, quæ salis flumina appellantur. » Hist. nat., lib. xxxi, cap. i, sect. 39.
  3. Les parties occidentales de la Chine qui bordent la Tartarie sont bien pourvues de sel, malgré leur éloignement de la mer ; outre les salines qui se trouvent dans quelques-unes de ces provinces, on voit dans quelques autres une sorte de terre grise, comme dispersée de côté et d’autre, en pièces de trois ou quatre arpents, qui rend une prodigieuse quantité de sel. Pour le recueillir, on rend la surface de la terre aussi unie que la glace, en lui laissant assez de pente pour que l’eau ne s’y arrête point ; lorsque le soleil vient à la sécher, jusqu’à faire paraître blanches les particules de sel qui s’y trouvent mêlées, on les rassemble en petits tas, qu’on bat ensuite soigneusement, afin que la pluie puisse s’y imbiber : la seconde opération consiste à les étendre sur de grandes tables un peu inclinées, qui ont des bords de quatre ou cinq doigts de hauteur ; on y jette de l’eau fraîche, qui, faisant fondre les parties de sel, les entraîne avec elle dans de grands vaisseaux de terre, où elles tombent goutte à goutte par un petit tube. Après avoir ainsi dessalé la terre, on la fait sécher, on la réduit en poudre, et on la remet dans le lieu d’où on l’a tirée : dans l’espace de sept ou huit jours, elle s’imprègne de nouvelles parties de sel, qu’on sépare encore par la même méthode.

    Tandis que les hommes sont occupés de ce travail aux champs, leurs femmes et leurs enfants s’emploient, dans des huttes bâties au même lieu, à faire bouillir le sel dans de grandes chaudières de fer, sur un fourneau de terre percé de plusieurs trous, par lesquels tous les chaudrons reçoivent la même chaleur ; la fumée passant par un long noyau, en forme de cheminée, sort à l’extrémité du fourneau : l’eau, après avoir bouilli quelque temps, devient épaisse et se change par degrés en un sel blanchâtre, qu’on ne cesse pas de remuer avec une grande spatule de fer jusqu’à ce qu’il soit devenu tout à fait blanc. Histoire générale des Voyages, t. VI, p. 486 et 487. — Au Japon, le sel se fait avec de l’eau de la mer : on creuse un grand espace de terre qu’on remplit de sable fin, sur lequel on jette de l’eau de la mer, et on le laisse sécher ; on recommence la même opération jusqu’à ce que le sable paraisse assez imbibé de sel ; alors on le ramasse, on le met dans une cuve, dont le fond est percé en trois endroits ; on y jette encore de l’eau de la mer, qu’on laisse filtrer au travers du sable : on reçoit cette eau dans de grands vases, pour la faire bouillir jusqu’à certaine consistance, et le sel qui en sort est calciné dans de petits pots de terre jusqu’à ce qu’il devienne blanc. Histoire naturelle du Japon, par Kæmpfer, t. Ier, p. 95.

    Chez les Mogols, il y a une mine de sel mêlée de sable à la profondeur d’un pouce sous terre ; cette région en est remplie : les Mogols, pour le purifier, mettent ce mélange dans un bassin où ils jettent de l’eau ; le sel venant à se dissoudre, ils le versent dans un autre bassin et le font bouillir ; après quoi ils le font sécher au soleil. Ils s’en procurent encore plus aisément dans leurs étangs d’eau de pluie, où il se ramasse de lui-même dans des trous ; et, séchant au soleil, il laisse une croûte de sel fin et pur, qui est quelquefois épaisse de deux doigts, et qui se lève en masse. Histoire générale des Voyages, t. VII, p. 464. — La province de Portalona, au couchant de l’île de Ceylan, a un port de mer d’où une partie du royaume tire du sel et du poisson… À l’égard des parties orientales que l’éloignement