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qu’on trouve avant de parvenir au sel dans les mines de Wieliczka : « Le premier lit, celui qui s’étend jusqu’à l’extérieur de la mine, est de sable, c’est-à-dire un amas de grains fins arrondis, blancs, jaunâtres et même rougeâtres. Ce banc de sable est suivi de plusieurs lits de terre argileuse plus ou moins colorée ; mais le plus ordinairement ces terres ont la couleur de rouille de fer. Ces lits de terre, à une certaine profondeur, sont séparés par des lames de pierre que leur peu d’épaisseur, jointe à leur couleur noirâtre, ferait regarder comme des ardoises ; ce sont des pierres feuilletées… On descend d’abord dans le premier étage par une espèce de puits de huit pieds en carré, ayant deux cents pieds de France de profondeur, au lieu de six cents, comme on a voulu le dire… On y trouve une chapelle taillée dans la masse du sel, et qui peut avoir environ trente pieds de longueur sur vingt-quatre de largeur et dix-huit de hauteur ; tous les ornements et les images de cette chapelle sont aussi faits avec du sel… Il n’y a que neuf cents pieds de profondeur depuis le sommet de la mine jusque dans l’endroit le plus profond… Et il est étonnant qu’on ait voulu persuader au public qu’il y avait dans cette mine une espèce de ville souterraine, puisqu’il n’y a dans les galeries que quelques petites chambres qui sont destinées à enfermer les outils des ouvriers lorsqu’ils s’en vont le soir de la mine…

» Plus on pénètre profondément dans ces salines, plus on trouve le sel abondant et pur ; si l’on rencontre quelques couches de terre, elles n’ont ordinairement que deux à trois pieds d’épaisseur et fort peu d’étendue ; toutes ces couches sont d’une glaise plus ou moins sableuse.

» On n’a trouvé jusqu’à présent dans ces mines aucune production volcanique, telles que soufre, bitume, charbon minéral, etc., comme il s’en trouve dans les salines de Halle, de la haute Saxe et du comté de Tyrol. On y trouve beaucoup de coquilles, principalement des bivalves et des madrépores…

» Je n’assurerai pas que ces mines aient, comme on le dit, trois lieues d’étendue en tous sens… Mais il y a lieu de croire qu’elles communiquent à celles de Bochnia (ville à cinq milles au levant de Wieliczka), où l’on exploite le même sel ; le travail de Wieliczka a toujours été dirigé du côté de Bochnia, et celui de Bochnia du côté de Wieliczka jusqu’en 1772, qu’on se trouva arrêté de part et d’autre par un lit de terre marneuse ne contenant pas un atome de sel… Mais l’administration ayant dirigé l’exploitation du côté du midi, on trouva du sel beaucoup plus pur…

» On détache ce sel de la masse, en blocs qui ont ordinairement sept à huit pieds de longueur sur quatre de largeur et deux d’épaisseur ; on emploie pour cela des coins de fer, et on opère à peu près de la manière qu’on le fait dans nos carrières pour en tirer la pierre de taille… Lorsque ces gros blocs sont ainsi détachés, on les divise en trois ou quatre parties dont on fait des cylindres pour faciliter le transport…

» Les morceaux de sel que l’on trouve quelquefois dans cette mine de Wieliczka se rencontrent par cubes isolés dans les couches de glaises, sans affecter de marche régulière, et quelquefois formant des bandes de deux à trois pouces d’épaisseur dans la masse du sel ; mais celui qui se trouve en grain dans la glaise est toujours le plus beau, et on conduit presque tout ce sel blanc dans l’endroit que l’on appelle la Chancellerie, qui est un bureau où travaillent quatre commis pendant la journée : tout ce qui orne cette Chancellerie, comme tables, armoires, etc., est en sel… Avec les morceaux de sel blanc les plus transparents, on travaille de jolis ouvrages qui ont différentes formes, comme des crucifix, des tables, des chaises, des tasses à café, des canons montés sur leurs affûts, des montres, des salières, etc.[1]. »

  1. Observations sur les mines de sel gemme de Wieliczka, par M. Bernard. Journal de Physique, mois de décembre 1780, p. 159 et suiv.