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pagne[1], et spécialement en Catalogne, où l’on voit près de la ville de Cardonne une montagne entière de sel[2] : en d’autres endroits, les amas de sel gemme forment des

    couverts ; dans l’un coule de l’eau douce, dans l’autre de l’eau salée, qu’un tuyau de bois conduit jusqu’à Hall : au bout de cette galerie, on descend un puits de trente pieds de profondeur… Ensuite on parcourt des galeries semblables à la première, et l’on arrive à un second puits, puis à un troisième et à un quatrième, que l’on descend comme le premier : ces puits forment les différents étages de la mine ; elle peut avoir douze cent soixante pieds de profondeur, et huit mille cinquante de longueur, à en juger par les proportions d’une machine de bois qui représente ces mines, et qu’on montre dans ces souterrains.

    Les galeries aboutissent à des chambres ; c’est dans ces chambres qu’on ramasse le sel, qui en quelque sorte végète sur les murs, en y formant différents dessins, tels à peu près que ceux qu’on voit sur les vitres lorsqu’il gèle. La hauteur de ces chambres est d’environ six pieds ; leur étendue est différente et leur forme irrégulière : la plus grande a neuf cent dix pieds de longueur sur trois cent quatre-vingt-cinq de largeur ; l’étendue de ces chambres, qui se soutiennent sans appui, est une des choses les plus extraordinaires de ces mines. M. Guettard, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1763, p. 203 et suiv.

  1. Près de Villena, à quelques lieues d’Alicante, il y a un marais d’où l’on tire le sel pour la consommation des villages voisins ; et à quatre lieues de là, une montagne isolée, toute de sel gemme, couvert seulement d’une couche de plâtre de différentes couleurs…

    Il y a beaucoup de salines dans la juridiction de Mingranilla ; on travaille à quelques-unes, et non aux autres : le sel gemme qu’on en tire est excellent, parce que cette espèce est toujours plus salée que celle qui se fait par évaporation, y ayant moins d’eau dans sa cristallisation.

    À une demi-lieue de là, on descend un peu pour entrer dans un terrain de plâtre où sont quelques collines… Au bas de la couverture de plâtre, il y a un banc de sel gemme dont on ne sait point la profondeur, parce que, quand les excavations passent trois cent pieds, il en coûte beaucoup pour tirer le sel, et que quelquefois le terrain s’enfonce ou se remplit d’eau ; alors on creuse de nouveaux puits, car tout l’endroit est une masse énorme de sel, mêlé en certaines places avec un peu de terre de plâtre, et dans d’autres, pur et rougeâtre, et le plus souvent cristallin… Dans la mine de Cardona, au contraire, il n’y a point de plâtre, et cependant le sel en est si dur et si bien cristallisé, que l’on en fait des statues, de petits autels et des meubles curieux. Celui de Mingranilla est dur aussi, mais moins que celui de Cardona, parce qu’il se casse, comme quelques spaths fragiles… Cette mine a dû être couverte anciennement d’une épaisseur de plus de huit cents pieds de matières étrangères, que les eaux ont peu à peu entraînées dans les lieux les plus bas.

    Dans une montagne où est le village de Valliera, on trouve une mine de sel gemme qui paraît hors de terre : du côté de l’entrée, et à environ vingt pas en dedans, on voit que le sel, qui est blanc et abondant, a pénétré dans les couches de plâtre. Cette mine peut avoir environ quatre cents pas de longueur, et différentes galeries latérales en ont plus de quatre-vingts soutenues par des piliers de sel qui la font ressembler à une église gothique ; le sel suit la direction de la colline en penchant un peu au nord, comme les veines du plâtre ; ce sel n’a qu’environ cinq pieds de haut… Il paraît avoir rongé différentes couches de plâtre et de margue (marne) pour se placer où il est, quoiqu’il reste cependant assez de ces matières.

    Au bout de la principale galerie… ou voit que la bande de sel descend jusqu’au vallon, et passe à la colline qui est vis-à-vis… La voûte de cette mine est de plâtre… Ensuite il y a deux pouces de sel blanc, séparé du plâtre par quelques filons de terre saline ; après, il y a trois doigts de sel pur et deux de sel de pierre, et une bande de terre ; ensuite une autre bande bleue, suivie de deux pouces de sel ; après quoi il y a des bandes alternatives de terre et de sel cristallin jusqu’au lit de la mine qui est de plâtre ; descendant au vallon et montant aux collines qui sont vis-à-vis, les bandes de terre sont d’un bleu obscur, et les lits de sel sont de couleur blanche : cette mine est très élevée eu égard à la mer, parce que depuis Bayonne on monte toujours pour y arriver. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 376 et suiv.

  2. La ville de Cardonne est située au pied d’une montagne de sel, qui est presque coupée