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d’en contenir ; et d’ailleurs la lie de vin, brûlée et réduite en cendres, fournit une grande quantité d’alcali aussi bon, et même plus pur que celui de la soude.

C’est par la combinaison de l’acide marin avec l’alcali minéral que s’est formé le sel marin ou sel commun dont nous faisons un si grand usage : il se trouve non seulement dissous dans l’eau de toutes les mers et de plusieurs fontaines, mais il se présente encore en masses solides et en très grands amas dans le sein de la terre ; et, quoique l’acide de ce sel, c’est-à-dire l’acide marin[NdÉ 1] provienne originairement de l’acide aérien, comme tous les autres acides, il a des propriétés particulières qui l’en distinguent ; il est plus faible que les acides vitrioliques et nitreux, et on l’a regardé comme le troisième dans l’ordre des acides minéraux ; cette distinction est fondée sur la différence de leurs effets ; l’acide marin est moins puissant, moins actif que les deux premiers, parce qu’il contient moins d’air et de feu, et d’ailleurs, il acquiert des propriétés particulières par son union avec l’alcali ; et s’il était possible de le dépouiller et de le séparer en entier de cette base alcaline, peut-être reprendrait-il les qualités de l’acide vitriolique ou de l’acide aérien, qui, comme nous l’avons dit, est l’acide primitif dont la forme ne varie que par les différentes combinaisons qu’il subit ou qu’il a subies en s’unissant à d’autres substances.

L’acide marin diffère de l’acide vitriolique en ce qu’il est plus léger, plus volatil, qu’il a de l’odeur, de la couleur, et qu’il produit des vapeurs ; toutes ces qualités semblent indiquer qu’il contient une bonne quantité d’acide aérien provenant du détriment des corps organisés ; il diffère de l’acide nitreux par sa couleur, qui est d’un jaune mêlé de rouge, par ses vapeurs qui sont blanches, par son odeur qui tire sur celle du safran, et parce qu’il a moins d’affinité avec les terres absorbantes et les sels alcalis ; enfin cet acide marin n’est pas susceptible d’un aussi grand degré de concentration que les acides vitriolique et nitreux, à cause de sa volatilité qui est beaucoup plus grande[1].

Au reste, comme l’alcali minéral ou marin et l’alcali fixe végétal sont de la même nature, et qu’ils sont presque universellement répandus, on ne peut guère douter que l’alcali ne se soit formé dès les premiers temps, après la naissance des végétaux, par la combinaison de l’acide primitif aérien avec les détriments des substances animales et végétales : il en est de même de l’acide marin, qui se trouve combiné dans des matières de toute espèce ; car, indépendamment du sel commun dont il fait l’essence avec l’alcali minéral, il se combine aussi avec les alcalis végétaux et animaux, fixes ou volatils, et il se trouve dans les substances calcaires, dans les matières nitreuses, et même dans quelques substances métalliques, comme dans la mine d’argent cornée ; enfin, il forme le sel ammoniac lorsqu’il s’unit avec l’alcali volatil par sublimation dans le feu des volcans.

L’alcali minéral et l’alcali végétal, qui sont au fond les mêmes, sont aussi tous deux fixes : le premier se trouve presque pur dans le natron, et le second se tire plus abondamment des cendres du tartre que de toute autre matière végétale. On leur donne la dénomination d’alcalis caustiques, lorsqu’ils prennent en effet une plus grande causticité par l’addition de l’acide aérien contenu dans les chaux terreuses ou métalliques ; par cette union ces alcalis commencent à se rapprocher de la nature de l’acide : l’alcali volatil appartient plus aux animaux qu’aux végétaux, et, lorsqu’il est de même imprégné de l’acide aérien, il ne peut plus se cristalliser, ni même prendre une forme solide, et dans cet état on l’a nommé alcali fluor.

L’acide phosphorique paraît être l’acide le plus actif qu’on puisse tirer des animaux ; si l’on combine cet acide des animaux avec l’alcali volatil, qui est aussi leur alcali le plus exalté, il en résulte un sel auquel les chimistes récents ont donné le nom de sel micro-

  1. Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Acide marin.
  1. C’est l’acide chlorhydrique.