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position du métal : point de matte, point de plackmall, même après plusieurs heures de chauffe[1]. » Mais un autre point bien plus important, c’est l’assertion positive que le fond du charbon de terre n’est que de l’argile[2] ; en sorte que, suivant ce physicien, tous les naturalistes se sont trompés lorsqu’ils ont dit que ces charbons étaient des débris de forêts et d’autres végétaux ensevelis par des bouleversements quelconques[3]. « Il est vrai, continue-t-il, que la mer Baltique charrie tous les printemps une quantité de bois qu’elle amène du Nord, et qu’elle arrange par couches sur les côtes de la Prusse, qui sont successivement recouvertes par les sables ; mais ces bois ne deviendraient jamais charbon de terre, s’il n’y survenait pas une substance bitumineuse qui se combine avec pour leur donner cette qualité : sans cette combinaison, ils se pourriront et deviendront terre. » Ceci m’arrête une seconde fois ; car l’auteur convenant que le charbon de terre peut se former de bois et de bitume, pourquoi veut-il que tous les charbons soient composés de terre argileuse ? et ne suffit-il pas de dire que, partout où les bois et autres débris de végétaux se seront bituminisés par le mélange de l’acide, ils seront devenus charbons de terre ? Et pourquoi composer cette matière combustible d’une matière qui ne peut brûler ? N’y a-t-il pas nombre de charbons qui brûlent en entier et ne laissent après la combustion que des cendres même encore plus douces et plus fines que celles du bois[4] ? Il est donc très certain que ces charbons qui brûlent en entier ne contiennent pas plus d’argile que le bois ; et ceux qui se boursouflent dans la combustion, et laissent une sorte de scorie semblable à du mâchefer léger, n’offrent ce résidu que parce qu’ils sont en effet mêlés, non pas d’argile, mais de limon, c’est-à-dire de terre végétale, dans laquelle toutes les parties fixes du bois se sont rassemblées : or, j’ai démontré en plusieurs endroits de cet ouvrage, et surtout dans les Mémoires de la partie expérimentale, que l’origine du mâchefer ne doit point être attribuée au fer, puisqu’on trouve le même mâchefer dans le feu de l’orfèvre comme dans celui du forgeron, et que j’ai fait moi-même du mâchefer en grande quantité avec du charbon de bois seul et sans addition d’aucun minéral ; dès lors, le charbon de terre doit en produire comme le charbon de bois, et, lorsqu’il en donne en plus grande quantité, c’est que sous le même volume il contient plus de parties fixes que le charbon de bois. J’ai encore prouvé, dans ces mêmes Mémoires et dans l’article précédent, que le limon ou la terre végétale est le dernier résidu des végétaux décomposés, qui d’abord se réduisent en terreau et par succession de temps en limon : j’ai de même averti qu’il ne fallait pas confondre cette terre végétale ou limoneuse avec l’argile, dont l’origine et les qualités sont toutes différentes, même à l’égard des effets du feu, puisque l’argile s’y resserre et que le limon se boursoufle ; et cela seul prouverait qu’il n’y a jamais d’argile, du moins en quantité sensible, dans le charbon de terre, et que dans ceux qui laissent, après la combustion, une scorie boursouflée, il y a toujours une quantité considérable de ce limon formé des parties fixes des végétaux : ainsi, tout charbon de terre

  1. Note communiquée par M. le Camus de Limare, le 5 juillet 1780.
  2. Hist. naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 23.
  3. Hist. naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 24.
  4. « À Birmingham, on emploie dans les cheminées une autre espèce de charbon qui est plus cher que le charbon de terre ordinaire ; on l’appelle flew-coal : la mine est située à sept milles au nord de Birmingham, à Wedgbory near Warsal in Staffordshire ; on le tire par gros morceaux qui ont beaucoup de consistance, et il se vend trois pence and penny le cent, du poids de cent douze livres, faisant à peu près un quintal poids de marc. Ce charbon s’allume avec du papier, comme du bois de sapin ; sa flamme est blanche et claire, son feu très ardent ; il est d’ailleurs sans odeur, et il se réduit en une cendre blanche aussi légère que celle du bois. » — Cette espèce de charbon n’a point été décrite dans M. Morand, ni dans aucun autre ouvrage de ma connaissance. (Note communiquée par M. le Camus de Limare, le 5 juillet 1780.)