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avec laquelle il a passé dans la distillation, a les mêmes propriétés à peu près que l’acide du vinaigre : il se combine de même avec les alcalis fixes, et forme des sels qui, par l’odeur urineuse, décèlent leur origine animale.

Les chimistes récents ont donné le nom d’acide phosphorique à l’acide qu’ils ont tiré, non seulement de l’urine et des excréments, mais même des os et des autres parties solides des animaux ; mais il en est à peu près de cet acide phosphorique des os, comme de l’acide du sucre, parce qu’on ne peut obtenir le premier que par le moyen de l’acide vitriolique, et le second par celui de l’acide nitreux, ce qui produit des acides composés qui ne sont plus les vrais acides du sucre et des os ; lesquels considérés en eux-mêmes et dans leur simplicité se réduiront également à la forme d’acide aérien ; et, s’il est vrai, comme le dit M. Proust[1], qu’on ait trouvé de l’acide phosphorique dans des mines de plomb blanches, on ne pourra guère douter qu’il ne puisse tirer en partie son origine de l’acide vitriolique. Un de nos habiles chimistes[2] s’est attaché à prouver par plusieurs expériences, contre les assertions d’un autre habile chimiste, que l’acide phosphorique est tout formé dans les animaux, et qu’il n’est point le produit du feu ou de la fermentation[3] ; cela se peut et je serais même très porté à le croire, pourvu que l’on convienne que cet acide phosphorique, tout formé dans les animaux ou dans les excréments, n’est pas absolument le même que celui qu’on en tire en employant l’acide vitriolique, dont la combinaison ne peut que l’altérer et l’éloigner d’autant plus de sa forme originelle d’acide aérien, que le travail de l’organisation suffit pour le convertir en acide phosphorique, tel qu’on le retire de l’urine, sans le secours de l’acide vitriolique ni d’aucun autre acide.




ALCALIS ET LEURS COMBINAISONS

De la même manière qu’on doit réduira tous les acides au seul acide aérien, on peut aussi lui ramener les alcalis[NdÉ 1], en les réduisant tous à l’alcali minéral ou marin : c’est même le seul sel que la nature nous présente dans un état libre et non neutralisé. On connaît cet alcali sous le nom de natron ; il se forme contre les murs des édifices, ou sur la terre et

  1. Journal de physique, février 1781, p. 145 et suiv.
  2. M. Brongniard, démonstrateur en chimie aux écoles du Jardin du Roi. Il a fait sur ce sujet un grand nombre d’expériences par lesquelles il a reconnu que l’acide phosphorique est produit par une modification de l’acide aérien, qui s’en dégage en quantité considérable dans la décomposition de l’acide phosphorique, et même dans sa concentration : si l’on fait brûler du phosphore en vaisseaux clos, on obtient une très grande quantité d’air fixe ou acide aérien, et en même temps l’acide sulfurique coule le long des parois des récipients ; ce même acide, soumis ensuite à l’action du feu dans une cornue de verre, donne des vapeurs abondantes et presque incoercibles ; si, au lieu de faire brûler ainsi le phosphore, on l’expose seulement à l’action de l’air dans une atmosphère tempérée et humide, le phosphore se décompose en brûlant presque insensiblement ; il donne une flamme très légère, et laisse échapper une très grande quantité d’air fixe ; on peut s’en convaincre en imbibant un linge d’une solution alcaline caustique ; au bout d’un certain laps de temps, l’alcali est saturé d’acide aérien et cristallisé très parfaitement : ces expériences prouvent d’une manière convaincante, que l’acide phosphorique est le résultat d’une modification particulière de l’acide aérien, qui ne peut avoir lieu qu’au moyen de la végétation et de l’animalisation.
  3. Journal de physique, mars 1781, p. 234 et suiv.
  1. Les alcalis sont des oxydes métalliques. Ils ne sont pas le moins du monde réductibles à un seul.