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grande quantité, et sous sa forme propre d’acide aérien, et la matière qui reste après cette séparation est une terre alcaline qui a les mêmes propriétés que l’alcali fixe végétal : la preuve évidente que l’acide aérien est le principe salin de l’acide du tartre, c’est qu’en essayant de le recueillir, il fait explosion et brise les vaisseaux.

Le sel de tartre n’attaque pas les matières vitreuses, et néanmoins il se combine et forme un sel avec la terre de l’alun, autre preuve que cette terre qui sert de base à l’alun n’est pas une terre vitreuse pure, mais mélangée de parties alcalines, calcaires ou limoneuses ; car l’acide du tartre agit avec une grande puissance sur les substances calcaires, et il s’unit avec effervescence à l’alcali fixe végétal ; ils forment ensemble un sel auquel les chimistes ont donné le nom de sel végétal[NdÉ 1] ; il s’unit de même et fait effervescence avec l’alcali minéral, et ils donnent ensemble un autre sel connu sous le nom de sel de seignette[NdÉ 2] ; ces deux sels sont au fond de la même essence, et ne diffèrent pas plus l’un de l’autre que l’alcali végétal diffère de l’alcali minéral, qui, comme nous l’avons dit, sont essentiellement les mêmes. Nous ne suivrons pas plus loin les combinaisons de la crème de tartre, et nous observerons seulement qu’elle n’agit point du tout sur les huiles.

Au reste, le sel du tartre est l’un des moins solubles dans l’eau ; il faut qu’elle soit bouillante, et en quantité vingt fois plus grande que celle du sel pour qu’elle puisse le dissoudre.

Les vins rouges donnent du tartre plus ou moins rouge, et les vins blancs du tartre grisâtre, et plus ou moins blanc ; leur saveur est à peu près la même et d’un goût aigrelet plutôt qu’acide.

Le sucre, dont la saveur est si agréable, est néanmoins un sel essentiel que l’on peut tirer en plus ou moins grande quantité de plusieurs végétaux : il est l’un des plus dissolubles dans l’eau, et lorsqu’on le fait cristalliser avec précaution, il donne de beaux cristaux ; c’est ce sucre purifié que nous appelons sucre candi. Le principe acide de ce sel est encore évidemment l’acide aérien ; car le sucre étant dissous dans l’eau pure fermente, et cet acide s’en dégage en partie par une évaporation spiritueuse ; le reste demeure fortement uni avec l’huile et la terre mucilagineuse, qui donnent à ce sel sa saveur douce et agréable. M. Bergman a obtenu un acide très puissant en combinant le sucre avec une grande quantité d’acide nitreux ; mais cet acide composé ne doit point être regardé comme l’acide principe du sucre, puisqu’il est formé par le moyen d’un autre acide qui en est très différent ; et, quoique les propriétés de l’acide nitreux et de cet acide saccharin ne soient pas les mêmes, on ne doit pas en conclure, avec ce savant chimiste, que ce même acide saccharin n’ait rien emprunté de l’acide nitreux qu’on est obligé d’employer pour le former.

Les propriétés les mieux constatées et les plus évidentes des acides animaux sont les mêmes que celles des acides végétaux, et démontrent suffisamment que le principe salin est le même dans les uns et les autres : c’est également l’acide aérien différemment modifié par la végétation ou par l’organisation animale, d’autant que l’on retire cet acide de plusieurs plantes aussi bien que des animaux. Les fourmis[NdÉ 3] et la moutarde[NdÉ 4] fournissent le même acide et en grande quantité ; cet acide est certainement aérien, car il est très volatil, et si l’on met en distillation une masse de fourmis fraîches et qui n’aura pas eu le temps de fermenter, une grande partie de l’acide animal s’en dégage et se volatilise sous sa propre forme d’air fixe ou d’acide aérien ; et cet acide, recueilli et séparé de l’eau

  1. Tartrate de potasse.
  2. Tartrate double de potasse et de soude.
  3. Les fourmis produisent l’acide formique.
  4. La moutarde doit ses propriétés à une essence sulfurée qui n’existe pas dans la graine, mais qui se forme sous l’influence de l’eau par combinaison de deux principes préexistants.