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de terre et d’eau : nous nous croyons donc fondés à regarder l’acide aérien comme l’acide primitif, et nous pensons qu’il faut substituer cette idée à celle de ce grand chimiste, qui le premier a senti qu’on devait ramener tous les acides à un seul acide primitif et universel ; mais sa seconde supposition, que cet acide universel n’est composé que de terre et d’eau, ne peut se soutenir, non seulement parce que les effets ne s’accordent point avec la cause supposée, mais encore parce que cette idée particulière et secondaire me paraît opposée, et même contraire à toute théorie, puisque alors l’air et le feu, les deux, principaux agents de la nature, seraient exclus de toute substance essentiellement saline et réellement active, attendu que toutes ne contiendraient que ce même principe salin, uniquement composé de terre et d’eau.

Dans la réalité, l’acide est après le feu l’agent le plus actif de la nature, et c’est par le feu et par l’air contenus dans sa substance qu’il est actif, et qu’il le devient encore plus lorsqu’il est aidé de la chaleur, ou lorsqu’il se trouve combiné avec des substances qui contiennent elles-mêmes beaucoup d’air et de feu, comme dans le nitre ; il devient au contraire d’autant plus faible qu’il est mêlé d’une plus grande quantité d’eau, comme dans les cristaux d’alun, la crème de tartre, les sels ou les sucs des plantes fermentées ou non fermentées, etc.

Les chimistes ont, avec raison, distingué les substances salines par elles-mêmes, des matières qui ne sont salines que par le mélange des principes salins avec d’autres substances : « Tous les acides et alcalis minéraux, végétaux et animaux, tant fixes que volatils, fluors ou concrets, doivent, dit M. Macquer, être regardés comme des substances salines par elles-mêmes ; il y a même quelques autres substances qui n’ont point de propriétés acides ou alcalines décidées, mais qui, ayant celles des sels en général et pouvant communiquer les propriétés salines aux composés dans lesquels elles entrent, peuvent par cette raison être regardées comme des substances essentiellement salines ; tels sont l’arsenic et le sel sédatif… Toutes ces substances, quoique essentiellement salines, diffèrent beaucoup entre elles, surtout par les degrés de force et d’activité, et par leur attraction plus ou moins grande avec les matières dans lesquelles elles peuvent se combiner ; comparez, par exemple, la force de l’acide vitriolique avec la faiblesse de l’acide du tartre… Les acides minéraux sont plus forts que les acides tirés des végétaux et des animaux, et parmi les acides minéraux l’acide vitriolique est le plus fort, le plus inaltérable, et par conséquent le plus pur, le plus simple, le plus sensiblement et essentiellement sel… Parmi les autres substances salines, celles qui paraissent les plus actives, les plus simples, tels que les autres acides minéraux, nitreux et marins, sont en même temps celles dont les propriétés se rapprochent le plus de celles de l’acide vitriolique. On peut faire prendre à l’acide vitriolique plusieurs des propriétés caractéristiques de l’acide nitreux, en le combinant d’une certaine manière avec le principe inflammable, comme on le voit par l’exemple de l’acide sulfureux volatil : les acides huileux végétaux deviennent d’autant plus forts et plus semblables à l’acide vitriolique, qu’on les dépouille plus exactement de leurs principes huileux ; et peut-être parviendrait-on à les réduire en acide vitriolique pur en multipliant les opérations, et réciproquement l’acide vitriolique et le nitreux, affaiblis par l’eau et traités avec une grande quantité de matières huileuses, et encore mieux avec l’esprit-de-vin, prennent des caractères d’acides végétaux… Les propriétés des alcalis fixes semblent, à la vérité, s’éloigner beaucoup de celles des acides en général, et par conséquent de l’acide vitriolique ; cependant, comme il entre dans la composition des alcalis fixes une grande quantité de terre, qu’on peut séparer beaucoup de cette terre par des distillations et calcinations réitérées, et qu’à mesure qu’on dépouille ces substances salines de leur principe terreux, elles deviennent d’autant moins fixes et d’autant plus déliquescentes, en un mot qu’elles se rapprochent d’autant plus de l’acide vitriolique à cet égard, il ne paraîtra pas hors de