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a formé qu’une très petite quantité en comparaison de celle du sel gemme ou marin, qui diffère de ce sel de Glauber, en ce que ce n’est pas l’acide vitriolique, mais l’acide marin qui est uni avec l’alcali dans le sel marin, qui de tous les sels naturels est le plus abondant.

Lorsque l’on combine l’acide vitriolique avec l’alcali végétal[NdÉ 1], il en résulte un sel, cristallisable, d’une saveur amère et salée, auquel on a donné plusieurs noms différents et singulièrement celui de tartre vitriolé[NdÉ 2] : ce sel, qui est dur et qui décrépite au feu, ne se dissout que difficilement dans l’eau et ne se trouve pas cristallisé par la nature, quoique tous les sels formés par l’acide vitriolique puissent se cristalliser.

L’acide vitriolique qui se combine dans les terres vitreuses, calcaires et métalliques, et se présente sous la forme d’alun, de sélénite et de vitriol, se trouve encore combiné dans le sel d’Epsom[NdÉ 3] avec la magnésie, qui est une terre particulière différente de l’argile, et qui paraît aussi avoir quelques propriétés qui la distinguent de la terre calcaire : en la supposant mixte et composée des deux, elle approche beaucoup plus de la craie que de l’argile. Cette terre magnésie ne se trouve point en grandes masses comme les argiles, les craies, les plâtres, etc. ; néanmoins elle est mêlée dans plusieurs matières vitreuses et calcaires ; on l’a reconnue par l’analyse chimique dans les schistes bitumineux, dans les terres plâtreuses, dans les marnes, dans les pierres appelées serpentines, dans l’ampélite, et l’on a observé qu’elle forme, à la surface et dans les interstices de ces matières, un sel amer fort abondant ; l’acide vitriolique est combiné dans ce sel jusqu’à saturation, et lorsqu’on l’en retire en lui offrant un alcali, la magnésie qui lui servait de base se présente sous la forme d’une terre blanche, légère, sans saveur et presque sans ductilité lorsqu’on la mêle avec l’eau : ces propriétés lui sont communes avec les terres calcaires imprégnées d’acide vitriolique, dont sans doute la magnésie retient encore quelques parties après avoir été précipitée de la dissolution de son sel ; elle se rapproche encore plus de la nature de la terre calcaire, en ce qu’elle fait une grande effervescence avec tous les acides, et qu’elle fournit de même une très grande quantité d’air fixe ou d’acide aérien, et qu’après avoir perdu cet air par la calcination, elle se dissout comme la chaux dans tous les acides : seulement cette magnésie calcinée n’a pas la causticité de la chaux, et ne se dissout pas de même lorsqu’on la mêle avec l’eau, ce qui la rapproche de la nature du plâtre ; cette différence de la chaux vive et de la magnésie calcinée semble provenir de la plus grande puissance avec laquelle la chaux retient l’acide aérien, que la calcination n’enlève qu’en partie à la terre calcaire et qu’elle enlève en plus grande quantité à la magnésie ; cette terre n’est donc au fond qu’une terre calcaire qui, d’abord imprégnée comme le plâtre d’acide vitriolique, se trouve encore plus abondamment fournie d’acide aérien que la pierre calcaire ou le plâtre ; et ce dernier acide est la seule cause de la différence des propriétés de la magnésie et des qualités particulières de son sel : il se forme en grande quantité à la surface des matières qui contiennent de la magnésie ; l’eau des pluies ou des sources le dissout et l’emporte dans les eaux, dont on le tire par l’évaporation ; et ce sel, formé de l’acide vitriolique à base de magnésie, a pris son nom de la fontaine d’Epsom, en Angleterre, de l’eau de laquelle on le tire en grande quantité. M. Brownrigg assure avoir trouvé du sel d’Epsom cristallisé dans les mines de charbon de Withaven : il était en petites masses solides, transparentes, et en filaments blancs argentins, tantôt réunis, tantôt isolés, dont quelques-uns avaient jusqu’à trois pouces de longueur[1].

La saveur de ce sel n’est pas piquante, elle est même fraîche, mais suivie d’un arrière-goût amer ; sa qualité n’est point astringente ; il est donc en tout très différent de l’alun,

  1. Voyez les Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. Ier, p. 132.
  1. Hydrate de potassium ou Potasse.
  2. Sulfate de potassium.
  3. Sulfate de magnésium.