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de Liège, de même que dans quelques provinces d’Espagne[1]. On extrait l’alun, dans ces différentes mines, à peu près par les mêmes procédés qui consistent à faire effleurir à l’air, pendant un temps suffisant, la terre ou pierre alumineuse, à la lessiver ensuite, et à faire cristalliser l’alun par l’évaporation de l’eau[2] ; l’alun de Rome est celui qui est le plus estimé et qu’on assure être le plus pur : tous les aluns sont, comme l’on voit, des produc-

    horizontales… Le minerai n’est point en roc, comme celui de Whithy ; il consiste en une terre durcie, mais très friable, dont les morceaux se détachent en surfaces carrées, comme la plupart des charbons de terre : ces surfaces sont très noires ; mais, si l’on brise ces morceaux, on voit que l’intérieur est composé de petites couches très minces d’une terre brune schisteuse ; le minerai d’ailleurs contient beaucoup de bitume, peu de soufre, et tombe facilement en efflorescence : c’est pourquoi on ne le fait pas griller ; il n’est besoin que de l’exposer à l’air pour en développer l’alun… Le minerai reste exposé à l’air pendant deux ans avant que d’être lessivé ; alors il est en majeure partie décomposé et tombe presque en poussière.

    » Il arrive très souvent que le minerai éprouve une fermentation si considérable qu’il s’enflamme ; et, comme il serait dangereux de perdre beaucoup d’alun, on y remédie, aussitôt que l’on s’en aperçoit, en ouvrant le tas dans l’endroit où se forme l’embrasement : le seul contact de l’air suffit pour l’arrêter ou l’éteindre, sans qu’il soit besoin d’y jeter de l’eau ; lorsque le minerai a été deux ans en efflorescence, il prend dans son intérieur une couleur jaunâtre, qui est due sans doute à une terre martiale : on y voit entre ses couches de l’alun tout formé, et sur toute la longueur de la surface extérieure du tas des lignes d’une matière blanche, qui n’est autre chose que ce sel tout pur.

    » À Christineoff, en Suède, le rocher alumineux est une espèce d’ardoise noire qui se délite aisément, et qui contient très souvent entre ses lits des rognons de pyrite martiale de différentes grosseurs, mais dont la forme est presque toujours celle d’une sphère aplatie : on y trouve encore des couches d’un rocher noir, à grandes et petites facettes d’un pied d’épaisseur, qui, par la mauvaise odeur qu’il donne en le frottant, peut-être mis dans la classe des pierres de porc : on y voit aussi des petites veines perpendiculaires d’un gypse très blanc.

    » Ces couches de minerai ont une très grande étendue ; on prétend même avoir reconnu qu’elles avaient une continuité à plus d’une lieue ; mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’on ignore encore leur profondeur.

    » Sur le penchant d’une petite montagne opposée de la ville de Christiania en Norvège, et presque au niveau de la mer, on exploite une mine d’alun qui a donné lieu à un établissement assez considérable… L’espèce de minerai que l’on a à traiter est proprement une ardoise, qui contient entre ses lits quantité de rognons de pyrites martiales ; on l’exploite de la même manière qu’en Suède, à tranchée ouverte et à peu de frais.

    » Sur la route de Grossalmrode à Cassel, on trouve plusieurs mines d’alun qui sont exploitées par des particuliers… Le minerai d’alun forme une couche d’une très grande étendue, sur huit à neuf toises d’épaisseur, et dont la couleur et la texture le rapprochent beaucoup de l’espèce de celui de Schwensal que l’on exploite en Saxe, mais surtout dans la partie inférieure de la couche : il est de même tendre et friable, et tombe facilement en efflorescence ; mais souvent il est mêlé de bois fossile très bitumineux, et quelquefois aussi de ce bois pétrifié. » Voyages minéralogiques, t. III, p. 288, 293, 297, 303 et 305.

  1. « Les Espagnols prétendent que l’alun d’Aragon est encore meilleur que celui de Rome. Ce sel, dit M. Bowles, se trouve formé dans la terre comme le salpêtre et le sel commun ; il ne faut, pour le raffiner, qu’une simple lessive, qui le filtre et lui ôte toute l’impureté de la terre… Après cette lessive, on le fait évaporer au feu, ensuite on verse la liqueur dans d’autres vaisseaux, où on laisse l’alun se cristalliser au fond. » Histoire naturelle d’Espagne, p. 390 et suiv.
  2. Dans quelques-unes de ces exploitations, on fait griller le minerai ; mais, comme le remarque très bien M. Jars, cette opération n’est bonne que pour celles de ces mines qui sont très pyriteuses, et serait pernicieuse dans les autres, où la combustion détruirait une portion de l’alun, et qu’il suffit de laisser effleurir à l’air, où elles s’échauffent d’elles-mêmes.