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métalliques, et qu’il est mêlé de vitriol de fer. L’alun connu sous le nom d’alun de Rome[1] est plus épuré et sans mélange sensible de vitriol de fer, quoiqu’il soit un peu rouge ; on le tire, en Italie, des pierres alumineuses de la carrière de la Tolfa : il y a de

  1. La carrière de la Tolfa, qui fournit l’alun de Rome… forme, dit M. de Bondaroy, une montagne haute de cent cinquante ou cent soixante pieds… ; les pierres dont elle est formée ne sont point arrangées par lits, comme la plupart des pierres calcaires,… mais par masses et par blocs…

    La pierre d’alun tient un peu à la langue… et, selon les ouvriers, elle se décompose lorsqu’on la laisse longtemps exposée à l’air… Pour faire calciner cette pierre, on l’arrange sur la voûte de plusieurs fourneaux qui sont construits sous terre, de manière que chaque pierre laisse entre elle un petit intervalle pour laisser parvenir le feu jusqu’au haut du fourneau… et on ne retire ces pierres qu’après qu’elles ont subi l’action du feu pendant douze ou quatorze heures… Lorsqu’elles sont bien calcinées, elles se rompent aisément, s’attachent fortement sur la langue, et y laissent le goût styptique de l’alun… Mais une calcination trop vive gâterait ces pierres, et il vaut mieux qu’elles soient moins calcinées, parce qu’il est aisé de remédier à ce dernier inconvénient en les remettant au feu…

    Ces pierres calcinées sont ensuite arrangées en forme de muraille disposée en talus, pour recevoir l’eau dont on les arrose de temps à autre pendant l’espace de quarante jours ; mais, s’il survient des pluies continuelles, elles sont entièrement perdues, parce que l’eau, en les décomposant plus qu’il ne faudrait, se charge des sels et les entraîne avec elle… Lorsque les pierres sont parvenues à un juste degré de décomposition, c’est-à-dire lorsque leurs parties sont entièrement désunies, on peut en former une pâte blanche pétrifiable… On les porte alors dans les chaudières que l’on a remplies d’eau, et dont le fond est de plomb… tandis que cette eau des chaudières est en ébullition, on remue la matière avec une pelle, on la débarrasse des écumes qui nagent sur sa surface, et ensuite on fait évaporer l’eau qui a dissous les sels d’alun ;… et lorsqu’on juge qu’elle est assez chargée de sel on la fait passer dans un cuvier, ensuite dans des cuves de bois de chêne, dont la forme est carrée ; et c’est dans ces dernières cuves qu’on la laisse cristalliser… Au bout d’environ quinze jours, on voit l’alun se cristalliser, le long de l’intérieur des cuves, en cristaux fort irréguliers ; mais quelquefois, à l’ouverture de la décharge des cuves, l’alun se forme en beaux cristaux et d’une forme très régulière…

    Les pierres ne donnent peut-être pas en sel d’alun la cinquantième partie de leur poids… elles sont très peu attaquables par les acides… n’étincellent que faiblement avec le briquet, et les ouvriers prétendent que les meilleures n’étincellent point du tout… Elles ont le grain fin, et sont aisées à casser… La terre qui reste après la calcination et la cristallisation du sel tient beaucoup de la nature d’une argile lavée.

    Je regarde cette pierre comme calcaire, puisqu’elle se calcine au feu ;… cependant les expériences faites par d’habiles chimistes ont démontré que la terre qui fait la base de l’alun est vitrifiable… La chaux que l’on fait de cette pierre a la propriété de se durcir sans aucun mélange de sable ou d’autres terres, lorsque, après avoir été humectée, on la laisse sécher. Dans toute chaux il se trouve de la craie ; dans celle-ci, il semble qu’on trouve du sable ou une vraie terre glaise : la pierre d’alun non calcinée et broyée en poudre fine prend une consistance approchante de celle d’une terre grasse lorsqu’on l’a humectée d’eau… La meilleure est jaunâtre, un peu grise. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1766, p. 1 et suiv.M. l’abbé Guénée prétend néanmoins que la meilleure terre d’alun est blanche comme de la craie, et le sentiment des ouvriers s’accorde en cela avec le sien : ils rejettent les pierres grumeleuses, qui s’égrènent facilement entre les doigts, et celles qui sont rougeâtres. Lettres de M. Ferber, note, p. 316.

    Les montagnes alumineuses de la Tolfa, disposées en rochers blancs, comme de la craie, sont, dit M. Ferber, séparées par un vallon qui a plusieurs petites issues sur les côtes, et qui ne doit son origine qu’à l’immensité de pierres alumineuses qu’on en a tirées… Les mineurs, soutenus par des cordes sur les bords escarpés des rochers auxquels ils sont adossés, font, dans cette situation, des trous qu’ils chargent de poudre… ensuite on y met le feu après quoi on détache les pierres que la poudre a fait éclater… L’argile alumineuse est