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Et ce même acide aérien, en agissant dès les premiers temps sur la matière quartzeuse, y a pris une base qui l’a fixé, et en a fait l’acide le plus puissant de tous, l’acide vitriolique qui, dans le fond, ne diffère de l’acide primitif que par sa fixité, et par la masse et la force que lui donne la substance vitrifiable qui lui sert de base ; mais l’acide aérien étant répandu dans toute l’étendue de l’air, de la terre et des eaux, et le globe entier n’étant dans le premier temps qu’une masse vitrifiée, cet acide primitif a pénétré toutes les poudres vitreuses, et les ayant atténuées, ramollies et humectées par son union avec l’eau, les a peu à peu décomposées, et enfin converties en terres argileuses.




ALUN

L’acide aérien s’étant d’abord combiné avec les poudres du quartz et des autres verres primitifs, a produit l’acide vitriolique par son union avec cette terre vitrifiée, laquelle s’étant ensuite convertie et réduite en argile par cette action même de l’acide et de l’eau, cet acide vitriolique s’y est conservé et s’y manifeste sous la forme d’alun[NdÉ 1], et l’on ne peut douter que ce sel ne soit composé d’acide vitriolique et de terre argileuse ; mais cette terre de l’alun est-elle de l’argile pure comme M. Bergman, et, d’après lui, la plupart des chimistes récents le prétendent ? Il me semble qu’il y a plusieurs raisons d’en douter, et qu’on peut croire avec fondement que cette argile qui sert de base à l’alun n’est pas pure, mais mélangée d’une certaine quantité de terre limoneuse et calcaire, qui toutes deux contiennent de l’alcali.

1o Deux de nos plus savants chimistes, MM. Macquer et Baumé, ont reconnu des indices de substances alcalines dans cette terre : « Quoique essentiellement argileuse, dit M. Macquer, la terre de l’alun paraît cependant exiger un certain degré de calcination, et même le concours des sels alcalis pour former facilement et abondamment de l’alun avec de l’acide vitriolique ; et M. Baumé est parvenu à réduire l’alun en une espèce de sélénite, en combinant avec ce sel la plus grande quantité possible de sa propre terre[1]. » Cela me paraît indiquer assez clairement que cette terre qui sert de base à l’alun n’est pas une argile pure, mais une terre vitreuse mélangée de substances alcalines et calcaires.

2o M. Fougeroux de Bondaroy, l’un de nos savants académiciens, qui a fait une très bonne description[2] de la carrière dont on tire l’alun de Rome, dit expressément ; « Je regarde cette pierre d’alun comme calcaire, puisqu’elle se calcine au feu… La chaux que l’on fait de cette pierre a la propriété de se durcir sans aucun mélange de sable ou d’autres terres, lorsque après avoir été humectée on la laisse sécher. » Cette observation de M. de Bondaroy semble démontrer que les pierres de cette carrière de la Tolfa[NdÉ 2] dont

  1. Dictionnaire de Chimie, t. IV, p. 9 et suiv.
  2. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1766, p. 1 et suiv.
  1. Les aluns sont des silicates doubles hydrates d’alumine et d’un protoxyde (potasse, soude, magnésie, protoxyde de fer, protoxyde de manganèse). La façon dont Buffon explique leur formation est tout à fait erronée ; il fait combiner l’acide carbonique (acide aérien) avec le quartz pour donner de l’acide sulfurique, ce qui est absolument impossible.
  2. Les pierres de la carrière de Tolfa sont formées d’alunite ou mine d’alun, qui est une combinaison d’alun avec de l’alumine hydratée ou du sous-sulfate d’alumine et du sulfate de potasse. Sous l’influence d’une calcination modérée, l’alunite se décompose en dégageant une odeur sulfureuse. En traitant le résidu de la calcination par l’eau, on obtient l’alun, qui se dissout dans l’eau et qu’on fait ensuite cristalliser.