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poration : la fixité n’est donc point une qualité essentielle à l’acide vitriolique ; il peut se convertir en acide aérien, puisqu’il devient volatil et se laisse emporter en vapeurs sulfureuses.

L’acide sulfureux fait seulement plus d’effet que l’acide vitriolique sur les couleurs tirées des végétaux et des animaux ; il les altère, et même les fait disparaître avec le temps, au lieu que l’acide vitriolique fait reparaître quelques-unes de ces mêmes couleurs, et en particulier celle des roses ; l’acide sulfureux les détruit toutes, et c’est d’après cet effet qu’on l’emploie pour donner aux étoffes la plus grande blancheur et le plus beau lustre.

L’acide sulfureux me paraît être l’une des nuances que la nature a mises entre l’acide vitriolique et l’acide nitreux ; car toutes les propriétés de cet acide sulfureux les rapprochent évidemment de l’acide nitreux, et tous deux ne sont au fond que le même acide aérien qui, ayant passé par l’état d’acide vitriolique, est devenu volatil dans l’acide sulfureux, et a subi encore plus d’altération avant d’être devenu acide nitreux par la putréfaction des corps organisés : ce qui fait la principale différence de l’acide sulfureux et de l’acide nitreux, c’est que le premier est beaucoup plus chargé d’eau que le second, et que par conséquent, il n’est pas aussi fortement uni avec la matière du feu.

Après les vitriols métalliques, nous devons considérer les sels que l’acide vitriolique a formés avec les matières terreuses, et particulièrement avec la terre argileuse qui sert de base à l’alun ; nous verrons que cette terre est la même que celle du quartz, et nous en tirerons une nouvelle démonstration de la conversion réelle du verre primitif en argile.




LIQUEUR DES CAILLOUX

J’ai dit et répété plus d’une fois dans le cours de mes ouvrages, que l’argile tirait son origine de la décomposition des grès et des autres débris du quartz réduits en poudre, et atténués par l’action des acides et l’impression de l’eau ; je l’ai même démontré par des expériences faciles à répéter, et par lesquelles on peut convertir en assez peu de temps la poudre de grès en argile, par la simple action de l’acide aérien et de l’eau ; j’ai rapporté de semblables épreuves sur le verre pulvérisé ; j’ai cité les observations réitérées et constantes qui nous ont également prouvé que les laves les plus solides des volcans se convertissent en terre argileuse, en sorte qu’indépendamment des recherches chimiques et des preuves qu’elles peuvent fournir, la conversion des sables vitreux en argiles m’était bien démontrée ; mais une vérité, tirée des analogies générales, fait peu d’effet sur les esprits accoutumés à ne juger que par les résultats de leur méthode particulière : aussi la plupart des chimistes doutent encore de cette conversion, et néanmoins les résultats bien entendus de leur propre méthode me semblent confirmer cette même vérité aussi pleinement qu’ils le peuvent désirer ; car après avoir séparé dans l’argile l’acide de sa base terreuse, ils ont reconnu que cette base était une terre vitrifiable ; ils ont ensuite combiné par le moyen du feu le quartz pulvérisé avec l’alcali dissous dans l’eau, et ils ont vu que cette matière précipitée devient soluble comme la terre de l’alun par l’acide vitriolique ; enfin ils en ont formé un composé fluide qu’ils ont nommé liqueur des cailloux[NdÉ 1]. « Une demi-partie d’alcali et une partie de quartz pulvérisé fondues ensemble, dit M. de Morveau, forment un beau verre transparent, qui conserve sa solidité : si on change les proportions et que l’on mette, par exemple, quatre parties d’alcali pour une partie de terre quartzeuse, la masse

  1. Silicate de potasse. Je n’ai pas besoin de répéter ici ce que j’ai dit déjà au sujet de la chimie de Buffon.