Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours pour opérer cette cristallisation, et l’on a observé qu’elle réussit beaucoup mieux pendant l’hiver qu’en été[1].

Nous avons en France quelques mines de vitriol naturel : « On en exploite, dit M. de Gensane, une au lieu de la Fonds près Saint-Julien-de-Valgogne ; le travail y est conduit avec la plus grande intelligence ; le minéral y est riche et en grande abondance, et le vitriol qu’on y fabrique est certainement de la première qualité[2]. » Il doit se trouver de semblables mines dans tous les endroits où la terre limoneuse et ferrugineuse se trouve mêlée d’une grande quantité de pyrites décomposées[3].

Il se produit aussi du vitriol par les eaux sulfureuses qui découlent des volcans ou des solfatares : « La formation de ce vitriol, dit M. l’abbé Mazéas, s’opère de trois façons ; la première, par les vapeurs qui s’élèvent des solfatares et des ruisseaux sulfureux ; ces vapeurs en retombant sur les terres ferrugineuses les recouvrent peu à peu d’une efflorescence de vitriol… La seconde se fait par la filtration des vapeurs à travers les terres ; ces sortes de mines fournissent beaucoup plus de vitriol que les premières ; elles se trouvent communément sur le penchant des montagnes qui contiennent des mines de fer, et qui ont des sources d’eau sulfureuse : la troisième manière est lorsque la terre ferrugineuse contient beaucoup de soufre ; on s’aperçoit, dès qu’il a plu, d’une chaleur sur la surface de la terre causée par une fermentation intestine… Il se forme du vitriol en plus ou moins grande quantité dans ces terres[4]. »

  1. Le vitriol martial d’Angleterre est en cristaux de couleur vert brune, d’un goût doux, astringent, approchant de celui du vitriol blanc. Le vitriol dans lequel il y a une surabondance de fer est d’un beau vert pur ; c’est celui dont on se sert pour l’opération de l’huile de vitriol : celui d’Allemagne est en cristaux d’un vert bleuâtre, assez beaux, d’un goût âcre et astringent ; ils participent non seulement du fer, mais encore d’une portion de cuivre : cette espèce convient fort à l’opération de l’eau-forte.

    Le vitriol se tire encore d’une autre matière que des pyrites : dans les mines de cuivre où l’on exploite le cuivre, le fond des galeries est toujours abreuvé d’une eau provenant de la condensation des vapeurs qui règnent dans ces mines ; quelquefois même il sort, par quelques ouvertures naturellement pratiquées dans le bas de ces mines, une liqueur minérale très bleuâtre ou légèrement verdâtre : c’est le vitriolum ferreum cupreum aquis immixtum. On adapte à l’orifice de cette issue un tuyau de bois qui conduit la liqueur dans une citerne remplie de vieille ferraille : la partie cuivreuse en dissolution, qui donnait au mélange une couleur bleue, fait divorce et se dépose en forme d’une boue roussâtre sur les morceaux de fer, qui ont plus d’affinité avec l’acide vitriolique que n’en a le cuivre ; alors la liqueur, de bleuâtre qu’elle était pour la plus grande partie, se change en une belle couleur verte, simple et martiale ; on la décante dans une autre citerne, dont le niveau est pratiqué à la base de la précédente : on y plonge de nouveau un morceau de fer, lequel, s’il ne rougit pas ni ne se dissout pas, fournit une preuve constante que l’eau ne participe que d’un fer pur, et qu’elle en est suffisamment chargée ; alors on procède à l’évaporation et à la cristallisation : celle-ci se fait en portant la liqueur chaude, soit dans différents tonneaux de bois de chêne ou de sapin, lesquels sont garnis d’un bon nombre de branches de bois fourchues, longues de quinze pouces, et différemment entre-croisées, soit dans des fosses ou des auges garnies de planches, dans lesquelles on suspend des morceaux de bois qui ressemblent à des herses, étant hérissés de plus de cinquante chevilles ou pointes ; c’est ainsi qu’en multipliant les surfaces sur lesquelles le vitriol s’attache et se cristallise l’on accélère la cristallisation et sa régularité. Minéralogie de Valmont de Bomare, t. Ier, p. 303.

  2. Histoire naturelle de Languedoc, t. Ier, p. 176.
  3. Avant de quitter Cazalla en Espagne, je fus voir une mine de vitriol qui est à une demi-lieue, dans le rocher d’une montagne appelée les Châtaigniers… La pierre est pyriteuse et ferrugineuse, et l’on y voit des fleurs et des taches profondes de jaune verdâtre, et une sorte de farine. Bowles, Histoire naturelle d’Espagne.
  4. Mémoires sur les solfatares des environs de Rome, t. V des Mémoires des Savants étrangers, p. 319.