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matières en sont plus ou moins imprégnées, toutes peuvent aussi lui servir de base, et il forme avec elles autant de différents sels, desquels on le retire toujours sous la même forme et sans altération.

On a donné le nom de vitriol à trois sels métalliques, formés par l’union de l’acide vitriolique avec le fer, le cuivre et le zinc ; mais on pourrait, sans abuser du nom, l’étendre à toutes les substances dans lesquelles la présence de l’acide vitriolique se manifeste d’une manière sensible : le vitriol du fer est vert, celui du cuivre est bleu, et celui du zinc est blanc ; tous trois se trouvent dans le sein de la terre, mais en petite quantité, et il paraît que ce sont les seules matières métalliques que la nature ait combinées avec cet acide ; et quand même on serait parvenu par notre art à faire d’autres vitriols métalliques, nous ne devons pas les mettre au nombre des substances naturelles, puisqu’on n’a jamais trouvé de vitriols d’or, d’argent, de plomb, d’étain, ni d’antimoine, de bismuth, de cobalt, etc., dans aucun lieu, soit à la surface, soit à l’intérieur de la terre.

Le vitriol vert ou le vitriol ferrugineux, appelé vulgairement couperose, se présente dans toutes les mines de fer, où l’eau chargée d’acide vitriolique a pu pénétrer : c’est sous les glaises ou les plâtres que gisent ordinairement ces mines de vitriol, parce que les terres argileuses et plâtreuses sont imprégnées de cet acide qui, se mêlant avec l’eau des sources souterraines, ou même avec l’eau des pluies, descend par stillation sur la matière ferrugineuse, et se combinant avec elle forme ce vitriol vert qui se trouve, tantôt en masses assez informes, auxquelles on donne le nom de pierres atramentaires[1], et tantôt en stalactites plus ou moins opaques, et quelquefois cristallisées : la forme de ces cristaux vitrioliques est rhomboïdale, et assez semblable à celle des cristaux du spath calcaire. C’est donc dans les mines de fer, de seconde et de troisième formation, abreuvées par les eaux qui découlent des matières argileuses et plâtreuses, qu’on rencontre ce vitriol natif, dont la formation suppose non seulement la décomposition de la matière ferrugineuse, mais encore le mélange de l’acide en assez grande quantité ; toute matière ferrugineuse imprégnée de cet acide donnera du vitriol ; aussi le tire-t-on des pyrites martiales, en les décomposant par la calcination ou par l’humidité.

Cette pyrite, qui n’a aucune saveur dans son état naturel, se décompose, lorsqu’elle est exposée longtemps à l’humidité de l’air, en une poudre saline, acerbe et styptique ; en lessivant cette poudre pyriteuse, on en retire du vitriol par l’évaporation et le refroidissement : lorsqu’on veut en obtenir en grande quantité, on entasse ces pyrites les unes sur les autres, à deux ou trois pieds d’épaisseur ; on les laisse exposées aux impressions de l’air pendant trois ou quatre ans, et jusqu’à ce qu’elles se soient réduites en poudre, on les remue deux fois par an pour accélérer cette décomposition ; on recueille l’eau de la pluie qui les lessive pendant ce temps, et on la conduit dans des chaudières où l’on place des ferrailles qui s’y dissolvent en partie par l’excès de l’acide, ensuite on fait évaporer cette eau, et le vitriol se présente en cristaux[2].

    parois et la voûte de la grotte, c’est-à-dire les incrustations qui y sont attachées ; l’acide s’y attache sous la forme d’efflorescences, ou de filets qui sont de véritable acide vitriolique pur, concret et exempt de toute combinaison. »

    M. Baldassari a observé depuis de semblables efflorescences sulfureuses et vitrioliques à Saint-Albino, dans le voisinage de Monte-Pulciano et aux lacs de Travale, où il a trouvé des branches d’arbres couvertes de concrétions de soufre et de vitriol. Journal de Physique, mai 1776, p. 397 et suiv.

  1. Parce qu’elles servent, comme le vitriol lui-même, à composer les diverses sortes de teintures noires ou d’encre, atramentum ; c’est l’étymologie que Pline nous en donne lui-même : « Diluendo (dit-il en parlant du vitriol), fit atramentum tingendis coriis, unde atramenti sutorii nomen. » Liv. xxxiv, chap. xii.
  2. Dans le grand nombre de fabriques de vitriol de fer, celle de Newcastle, en Angleterre,