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hors de doute : 1o que l’air déphlogistiqué, au moment qu’il s’élève des corps capables de le produire, se change en air fixe, s’il est surpris par le phlogistique dans le moment de sa formation ;

» 2o Que, comme il résulte des expériences que les acides nitreux, vitriolique, marin, phosphorique, arsenical, unis à certaines terres, peuvent se changer en air déphlogistiqué, lequel de son côté peut aisément se convertir en air fixe ; et comme d’autre part l’acide du sucre, celui de la crème de tartre, celui du vinaigre, celui des fourmis, etc., peuvent aussi aisément se convertir en air fixe, par le moyen de la chaleur, il est assez démontré que tous les acides peuvent être convertis en air fixe, et que cet air fixe est peut-être l’acide universel, comme étant le plus commun et se rencontrant le plus fréquemment dans les diverses productions de la nature. »

Je suis sur tout cela du même avis que M. le chevalier Landriani, et je n’ai d’autre mérite ici que d’avoir reconnu, d’après mon système général sur la formation du globe, que le plus pur et le plus simple des acides avait dû se former le premier par la combinaison de l’air et du feu, et que par conséquent on devait le regarder comme l’acide primitif dont tous les autres ont tiré leur origine ; mais je n’étais pas en état de démontrer par les faits, comme ce savant physicien vient de le faire, que tous les acides, de quelque espèce qu’ils soient, peuvent être convertis en cet acide primitif, ce qui confirme victorieusement mon opinion ; car cette conversion des acides doit être réciproque et commune, en sorte que tous les acides ont pu être formés par l’acide aérien, puisque tous peuvent être ramenés à la nature de cet acide.

Il me paraît donc plus certain que jamais, tant par ma théorie que par les expériences de M. Landriani, que l’acide aérien, c’est-à-dire l’air fixe ou fixé par le feu, est vraiment l’acide primitif, et le premier principe salin dont tous les autres acides et alcalis tirent leur origine, et cet acide uniquement composé d’air et de feu n’a pu former les autres substances salines qu’en se combinant avec la terre et l’eau : aussi tous les autres acides contiennent de la terre et de l’eau ; et la quantité de ces deux éléments est plus grande dans tous les sels que celle de l’air et du feu ; ils prennent différentes formes selon les doses respectives des quatre éléments, et selon la nature de la terre qui leur sert de base ; et comme la proportion de la quantité des quatre éléments dans les principes salins, et la qualité différente de la terre qui sert de base à chaque sel, peuvent toutes se combiner les unes avec les autres, le nombre des substances salines est si grand qu’il ne serait guère possible d’en faire une exacte énumération ; d’ailleurs toutes les combinaisons salines, faites par l’art de la chimie, ne doivent pas être mises sur le compte de la nature ; nos premières considérations doivent donc tomber sur les sels qui se forment naturellement soit à la surface, soit à l’intérieur de la terre : nous les examinerons séparément, et les présenterons successivement en commençant par les sels vitrioliques.




ACIDE VITRIOLIQUE ET VITRIOLS

Cet acide[NdÉ 1] est absolument sans odeur et sans couleur ; il ressemble à cet égard parfaitement à l’eau : néanmoins sa substance n’est pas aussi simple ni même, comme le dit Stahl, uniquement composée des seuls éléments de la terre et de l’eau ; il a été formé par l’acide aérien, il en contient une grande quantité, et sa substance est réellement composée d’air et de feu unis à la terre vitrifiable, et à une très petite quantité d’eau qu’on lui enlève

  1. L’acide vitriolique de Buffon est notre acide sulfurique et ses vitriols nos sulfates.