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troisième volume de ses opuscules physico-chimiques, dans lequel j’ai vu, avec toute satisfaction, que cet illustre et savant physicien a pensé comme moi sur l’acide primitif. Il dit expressément « que l’acide universel, élémentaire, primitif, dans lequel peuvent se résoudre tous les acides connus jusqu’à ce jour, est l’acide méphitique, cet acide qui, étant combiné avec la chaux vive, l’adoucit et la neutralise, qui, mêlé avec les eaux, les rend acidulés et pétillantes ; c’est l’air fixe de Black, le gaz méphitique de Macquer, l’acide atmosphérique de Bergman. «

M. le chevalier Landriani prouve son assertion par des expériences ingénieuses[1] : il a pensé avec notre savant académicien, M. Lavoisier, que l’air fixe ou l’acide méphitique se forme par la combinaison de l’air et du feu, et il conclut par dire : « Il me paraît

  1. « Que l’on prenne une certaine quantité d’acide vitriolique, qu’on y mêle une quantité donnée d’esprit-de-vin rectifié, comme pour faire l’éther vitriolique, qu’on en recueille les produits aériformes au moyen de l’appareil pneumatique, on obtiendra une quantité notable d’air fixe, de tout point semblable à celui qui se tire de la pierre calcaire, des substances alcalines, de celles qui sont en fermentation, etc. ; que l’on répète l’expérience avec d’autres acides, tels que le marin, le nitreux, avec les précautions nécessaires pour éviter les explosions et autres accidents, il se développera toujours dans la distillation une quantité notable d’air fixe.

    » J’ai tenté la même expérience, avec le même succès, avec l’acide de l’arsenic (*), le phosphorique, le vinaigre radical ; j’ai toujours obtenu une quantité notable d’air fixe, ayant les mêmes propriétés que celui que l’on obtient par les procédés du docteur Priestley, et je ne doute pas que l’on n’en tirât tout autant de l’acide spathique, de celui du sucre et du tartareux, puisque le sucre seul, décomposé par le feu, donne beaucoup d’air inflammable et d’air fixe, tel qu’on le tire aussi de l’acide du sucre, traité à la manière du célèbre Bergman. (Voyez les Opuscules choisis de Milan, t. II) Quant à l’acide tartareux découvert par Bergman, sans prendre la peine de le combiner avec l’esprit-de-vin, on sait, par les expériences de M. Berthollet, que la crème de tartre donne une prodigieuse quantité d’air fixe, et je ne doute pas que l’acide tartareux pur n’en produisit autant.

    » À l’extrémité d’un tube de verre ouvert des deux bouts, que l’on adapte avec de la cire d’Espagne un gros fil de fer dont une portion entrera dans le tube, l’autre restera dehors et sera terminée par une petite boule de métal ; que l’on remplisse le tube de mercure, et que l’on y introduise une certaine quantité d’air déphlogistiqué, tiré du précipité rouge, et une petite colonne d’eau de chaux, et que l’on décharge une grosse bouteille de Leyde plusieurs fois de suite à travers la colonne d’air, l’eau de chaux prendra de la blancheur, et déposera sur la superficie du mercure une quantité sensible de poudre blanche : si, au lieu d’eau de chaux, on avait introduit dans le tube de la teinture de tournesol, elle aurait rougi par la précipitation de l’air fixe que l’air déphlogistiqué tire du précipité rouge ; que l’on substitue de l’air déphlogistiqué, tiré du turbith minéral qu’on aura bien lavé, afin de le dépouiller de tout acide surabondant, et que cet air soit phlogistiqué par des décharges réitérées de la bouteille de Leyde, toujours il s’engendrera de l’air fixe. La même production d’air fixe aura lieu si l’on emploie de l’air déphlogistiqué tiré, ou du précipité couleur de brique obtenu par la solution du sublimé corrosif décomposé avec l’alcali caustique, ou de l’air déphlogistiqué, tiré des fleurs de zinc, saturées d’acide arsenical, ou du sel mercuriel acéteux, lavé dans beaucoup d’eau pour le dépouiller de tout acide surabondant, et qui n’aurait point été intimement combiné ; en un mot, tout air déphlogistiqué quelconque, obtenu par un acide quelconque, est en partie convertible en air fixe par les décharges réitérées de la bouteille de Leyde. » Opuscules physico-chimiques de M. le chevalier Landriani ; Milan, 1781, p. 62 et suiv.

    (*) La découverte de cet acide arsenical est due au célèbre Schéele ; cet acide se tire aisément en distillant de l’acide nitreux sur de l’acide cristallin, qui met à découvert l’acide arsenical. Voyez, dans les Opuscules choisis de Milan, t. II, le procédé commode et sûr de l’illustre Fabroni pour tirer ce nouvel acide ; et la dissertation de Bergman, qui renferme tout ce qui est su sur cet acide. (Note de M. de Morveau.)