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bitumineux ont peu de chaleur et donnent une flamme trop passagère, et il paraît que la parfaite qualité du charbon vient de la parfaite union du bitume avec la base terreuse, qui ne permet que successivement les progrès et le développement du feu.

Or les matières végétales se sont accumulées en masses, en couches, en veines, en filons, ou se sont dispersées en petits volumes, suivant les différentes circonstances ; et lorsque ces grandes masses, composées de végétaux et de bitume, se sont trouvées voisines de quelques feux souterrains, elles ont produit, par une espèce de distillation naturelle, les sources de pétrole, d’asphalte et des autres bitumes liquides que l’on voit couler quelquefois à la surface de la terre, mais plus ordinairement à de certaines profondeurs dans son intérieur, et même au fond des lacs[1] et de quelques plages de la mer[2]. Ainsi

    et compacts : ainsi, celui qui s’allume difficilement en donnant une belle flamme claire et brillante, comme fait le charbon de bois, est réputé de la meilleure espèce… Si, au contraire, le charbon de terre se décompose ou se désunit facilement, s’il se consume aussi aisément qu’il prend flamme, il est d’une qualité inférieure.

    » Une des propriétés du charbon de terre est de s’étendre en s’enflammant comme l’huile, le suif, la cire, la poix, le soufre, le bois et autres matières inflammables : on doit en général juger avantageusement d’un charbon qui au feu se déforme d’abord en se grillant, et qui acquiert ensuite de la solidité ; les uns, et ce sont les meilleurs, comme la houille grasse, le charbon dit maréchal, flambent, se liquéfient plus ou moins en brûlant comme la poix, se gonflent, se collent ensemble dans les vaisseaux fermés, ils se réduisent entièrement en liquescence. On remarque que cette espèce ne se dissout ni dans l’eau, ni dans les huiles, ni dans l’esprit-de-vin ; les autres enfin s’embrassent sans donner ces phénomènes. » — Il serait à désirer que M. Morand eût indiqué où se trouvent ces charbons qui se réduisent entièrement en liquescence dans les vaisseaux fermés ; nous n’en connaissons point de cette espèce : j’observerai de plus qu’il n’y a point de charbon de terre que l’esprit-de-vin n’attaque plus ou moins.

    « Le charbon de terre est encore de bonne espèce quand il donne peu de fumée, ou lorsque la fumée qu’il répand est noire, quand son exhalaison est plutôt résineuse que sulfureuse, et qu’elle n’est point incommode.

    » Toutes ces circonstances, tant dans la manière dont il brûle que dans les phénomènes résultants au feu surtout, dépendent, comme de raison, de la qualité plus ou moins bitumineuse ou plus ou moins pyriteuse du charbon.

    » Un charbon qui est en grande partie ou en totalité bitumineux brûle fort vite en donnant une odeur de naphte ; celui qui l’est peu ne se soutient pas facilement en masse quand le feu l’attaque à un certain degré : il en est qui est d’assez bonne durée, mais le feu dissipant promptement la portion de graisse qui y était alliée, les petites alvéoles ou loges dans lesquelles elle était renfermée se désunissent, se séparent par petites parcelles, quelquefois assez grandes… Ces sortes de charbons ne peuvent tenir au soufflet, le vent les enlève, et ils sont très peu profitables au feu ; d’autres au contraire, qui étaient friables, sont d’un bon usage, leurs parties se réunissant et se collant au feu.

    » De même que le bitume est dans quelques charbons le seul principe inflammable, il s’en trouve d’autres qui doivent à la pyrite presque seule leur inflammabilité. » — Je ne sais si cette assertion est bien fondée, car tous les charbons que nous connaissons donnent du bitume ou ne brûlent pas. « C’est ainsi que les charbons, selon qu’ils sont plus ou moins chargés de pyrites, se consument plus ou moins lentement : celui de Newcastle est long à se consumer ; mais celui de Suntherland, au comté de Durham, qui est très pyriteux, brûle plus longtemps encore jusqu’à ce qu’il se réduise en cendres. » Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 1152 et 1153.

  1. L’asphalte est en très grande quantité dans la mer morte de Judée, à laquelle on a même donné le nom de lac Asphaltique : ce bitume s’élève à la surface de l’eau, et les voyageurs ont remarqué dans les plaines voisines de ce lac plusieurs pierres et mottes de terre bitumineuses. Voyage de Pietro della Valle, t. II, p. 76.
  2. Flacourt dit avoir vu, entre le cap Vert et le cap de Bonne-Espérance, un espace de