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parties terreuses se précipitent et le soufre pur surnage[1] ; alors on le verse dans des moules ou lingotières dans lesquelles il prend la forme de canons ou de pains, sous laquelle on le connaît dans le commerce ; mais ce soufre, quoique déjà séparé de la plus grande partie de ses impuretés, n’est ni transparent ni aussi pur que celui qui se trouve formé en cristaux sur la plupart des volcans ; ce soufre cristallisé doit sa transparence et sa grande pureté à la sublimation qui s’en est faite dans ces volcans, et par la même raison le soufre artificiel le plus pur, ou ce que l’on appelle fleur de soufre, n’est autre chose que du soufre sublimé en vaisseaux clos, et qui se présente en poudre ou fleur très pure, qui est un amas de petits cristaux aiguillés et très fins, que l’œil, aidé de la loupe, y distingue.




DES SELS

Les matières salines[NdÉ 1] sont celles qui ont de la saveur ; mais d’où leur vient cette propriété qui nous est si sensible, et qui affecte les sens du goût, de l’odorat et même celui


  1. Dans les travaux du bas Hartz, le soufre cru, tel qu’il a d’abord été tiré des pyrites, se porte dans des fabriques où il est purifié… On en met d’abord deux quintaux et demi, tel qu’il vient des grillages, dans un chaudron de fer encastré dans un fourneau ; on le casse en morceaux, que l’on met l’un après l’autre dans le chaudron, où on le fond avec un feu doux de bois de sapin ; il faut cinq heures pour cette première opération, mais la seconde n’en exige que trois ou environ. Le vitriol et la mine qui se trouvent encore dans le soufre se précipitent par leur poids au fond du chaudron d’où on les retire, après quoi on verse le soufre liquide dans un vase pour le faire refroidir ; s’il contient encore quelque impureté, elle se dépose pendant le refroidissement du soufre, tant au fond que sur les parois du vase ; si, après cette dépuration, le soufre paraît clair et jaune, on le coule dans des moules de bois, qu’on a trempés dans l’eau auparavant, afin que le soufre puisse s’en détacher aisément et se retirer des moules, qui sont en forme de cylindre creux. C’est ce qu’on nomme soufre jaune : on peut le vendre tel qu’il est…

    Ce qui se précipite dans le commencement de la fonte du soufre brut ne sert plus de rien ; mais ce qui se dépose et s’attache dans le fond et contre les parois du vase est du soufre gris. Lorsqu’on en a une quantité suffisante, on le remet dans un chaudron pour le refondre ; de là on le verse dans un vase ou chaudron de cuivre, où le tout se refroidit pendant que les impuretés se déposent, ce qui forme des pains de soufre de près de deux cents livres ; le dessous en est encore gris, mais le soufre jaunâtre qui est par-dessus se perfectionne par la distillation, et se convertit en soufre jaune.

    Il ne faut pas que le feu soit trop violent pendant la purification du soufre, parce qu’il perdrait sa belle couleur jaune et deviendrait gris.

    On purifie aussi par la distillation le soufre qui n’est que jaunâtre, pour lui donner une plus belle couleur.

    Cette distillation se fait dans un fourneau où il y a huit cucurbites de fer fondu, dans lesquelles on met huit quintaux de soufre jaunâtre ; on adapte au-devant de ces cucurbites des tuyaux qui aboutissent à des pots de terre ; ces pots sont percés au fond et par devant, afin de laisser un passage au soufre qui doit y tomber pour se rendre ensuite dans un bassin ; à mesure que les bassins se remplissent, on en retire le soufre, que l’on met dans un vase ou chaudron de cuivre, où il se refroidit, comme dans la précédente purification ; ensuite on le coule dans les moules : lorsque ce vase ou chaudron est plein, les cucurbites ne sont

  1. Les erreurs fourmillent dans cet article comme dans le précédent. Il me paraît inutile de les relever, car le chapitre ne peut offrir d’intérêt qu’à des chimistes de profession, au point de vue historique. [Note de Wikisource : Il peut être utile, parmi ces erreurs, d’en signaler les principales, puisqu’elles grèvent tous les articles suivants.

    1o Les idées de Buffon sur la formation et la conversion des acides les uns dans les autres sont totalement erronées : il n’y a pas d’acide primaire dont tous les autres découlent, et il est impossible de convertir un acide en un quelconque autre, sauf cas particuliers. Idem pour les alcalis.

    2o Les acides et les alcalis ne sont pas, comme il le prétend, de même nature : bien au contraire, ils s’avèrent de nature opposée, l’un étant donneur, l’autre receveur de proton.

    3o Il est faux de dire avec Buffon que les sels sont composés d’acides et d’alcalis, qui imprègnent les solutions salines. Par exemple, pour Buffon, l’eau de mer est salée parce qu’elle contient de l’acide chlorhydrique et de la soude, qui précipiteraient en sel marin lors de l’évaporation. En réalité, il n’y a ni acide chlorhydrique ni soude dans l’eau de mer, qui tient en dissolution le sel sous forme d’atomes électriquement chargés, dits ions, libres, et non pas inclus dans des molécules d’acide ou d’alcali. Par ailleurs, il est bien possible de produire du sel en mélangeant acide chlorhydrique (HCl) et soude (NaOH), au cours d’une réaction qui, outre du sel (NaCl), produit de l’eau (H2O) ; mais, ainsi que le montrent les formules chimiques, le sel marin ne contient ni acide ni soude.

    4o Enfin, Buffon considère certaines espèces chimiques comme des sels, alors qu’elles ne le sont plus aujourd’hui ; ces espèces, telles le sucre, ne sont pas le produit de réactions entre acides et alcalis.

    Il faudra attendre la fin du xixe siècle pour que les chimistes disposent d’une théorie satisfaisante de l’acidité et de la dissociation des sels, grâce aux travaux d’Arrhenius, exactement contemporains de cette édition.]