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L’acide que le feu libre emporte ne s’élève avec lui qu’a une certaine hauteur ; car, dès qu’il est frappé par l’humidité de l’air, qui se combine avec l’acide, le feu est forcé de fuir, il quitte l’acide et s’exhale tout seul ; cet acide dégagé dans la combustion du soufre est du pur acide vitriolique : « Si l’on veut le recueillir au moment que le feu l’abandonne, il ne faut que placer un chapiteau au-dessus du vase, avec la précaution de le tenir assez éloigné pour permettre l’action de l’air qui doit entretenir la combustion, et de porter dans l’intérieur du chapiteau une certaine humidité par la vapeur de l’eau chaude ; on trouvera dans le récipient, ajusté au bec du chapiteau, l’acide vitriolique, connu sous le nom d’esprit de vitriol, c’est-à-dire un acide peu concentré et considérablement affaibli par l’eau[1]. On concentre cet acide et on le rend plus pur en le distillant : l’eau, comme plus volatile, s’élève la première et emporte un peu d’acide ; plus on réitère la distillation, plus il y a de déchet, mais aussi plus l’acide qui reste se concentre, et ce n’est que par ce moyen qu’on peut lui donner toute sa force et le rendre tout à fait pur[2]. » Au reste, on a imaginé depuis peu le moyen d’effectuer dans des vaisseaux clos la combustion du soufre : il suffit pour cela d’y joindre un peu de nitre qui fournit l’air nécessaire à cette combustion, et d’après ce principe, on a construit des appareils de vaisseaux clos pour tirer l’esprit de vitriol en grand, sans danger et sans perte ; c’est ainsi qu’on y procède actuellement dans plusieurs manufactures[3], et spécialement dans la belle fabrique de sels minéraux, établie à Javelle, sous le nom et les auspices de Mgr le comte d’Artois.

L’eau ne dissout point le soufre et ne fait même aucune impression à sa surface ; cependant, si l’on verse du soufre en fusion dans de l’eau, elle se mêle avec lui, et il reste mou tant qu’on ne le fait pas sécher à l’air ; il reprend sa solidité et toute sa sécheresse dès que l’eau dont il s’est humecté par force, et avec laquelle il n’a que peu ou point d’adhérence, est enlevée par l’évaporation.

Voilà, sur la composition de la substance du soufre et sur ses principales propriétés, ce que nos plus habiles chimistes ont reconnu et nous représentent comme choses incontestables et certaines ; cependant elles ont besoin d’être modifiées, et surtout de n’être pas prises dans un sens absolu si l’on veut s’approcher de la vérité, en se rapprochant des faits réels de la nature. Le soufre, quoique entièrement composé de feu fixe et d’acide, n’en contient pas moins les quatre éléments, puisque l’eau, la terre et l’air se trouvent unis dans l’acide vitriolique, et que le feu même ne se fixe que par l’intermède de l’air.

Le phlogistique n’est pas, comme on l’assure, une substance simple, identique et toujours la même dans tous les corps, puisque la matière du feu y est toujours unie à celle de l’air, et que, sans le concours de ce second élément, le feu fixe ne pourrait ni se dégager ni s’enflammer : on sait que l’air fixe prend souvent la place du feu fixe en s’emparant des matières que celui-ci quitte ; que l’air est même le seul intermède par lequel on puisse dégager le feu fixe, qui alors devient le phlogistique. Ainsi le soufre, indépendamment de l’air fixe qui est entré dans sa composition, se charge encore de nouvel air dans son état de fusion : cet air fixe s’unit à l’acide, la vapeur même du soufre fixe l’air et l’absorbe, et enfin le soufre, quoique contenant le feu fixe en plus grande quantité que toutes les autres substances combustibles, ne peut s’enflammer comme elles, et continuer à brûler que par le concours de l’air.

En comparant la combustion du soufre à celle du phosphore, on voit que dans le soufre

    longtemps exposées à la vapeur du soufre, parce qu’elle pourrait les endommager et les rendre cassantes. Encyclopédie, article Soufre.

  1. Éléments de Chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 22.
  2. Idem, ibidem.
  3. C’est à Rouen où l’on a commencé à faire de l’huile de vitriol en grand par le soufre ; il s’en fait annuellement dans cette ville et dans les environs quatorze cents milliers : on en fait à Lyon sans intermède du salpêtre. (Note communiquée par M. de Grignon.)