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Cette substance, tirée des pyrites par notre art, est absolument semblable à celle du soufre que la nature produit par l’action de ses feux souterrains : sa couleur est d’un jaune citrin ; son odeur est désagréable, et plus forte lorsqu’il est frotté ou échauffé ; il est électrique comme l’ambre ou la résine ; sa saveur n’est insipide que parce que le principe aqueux de son acide y étant absorbé par l’excès du feu, il n’a aucune affinité avec la salive, et qu’en général, il n’a pas plus d’action sur les matières aqueuses qu’elles n’en ont sur lui ; sa densité est à peu près égale à celle de la pierre calcaire[1] ; il est cassant, presque friable, et se pulvérise aisément, il ne s’altère pas par l’impression des éléments humides, et même l’action du feu ne le décompose pas lorsqu’il est en vaisseaux clos, et privé de l’air nécessaire à toute inflammation. Il se sublime sous sa même forme, au haut du vaisseau clos, en petits cristaux auxquels on a donné le nom de fleurs de soufre : celui qu’on obtient par la fusion se cristallise de même en le laissant refroidir très lentement ; ces cristaux sont ordinairement en aiguilles, et cette forme aiguillée, propre au soufre, se voit dans les pyrites et dans presque tous les minéraux où le feu fixe et l’acide se trouvent combinés en grande quantité avec le métal ; il se cristallise aussi en octaèdres, dans les grands soupiraux des volcans.

Le degré de chaleur nécessaire pour fondre le soufre ne suffit pas pour l’enflammer : il faut pour qu’il s’allume porter de la flamme à sa surface, et dès qu’il aura reçu l’inflammation, il continuera de brûler. Sa flamme est légère et bleuâtre, et ne peut même communiquer l’inflammation aux autres matières combustibles, que quand on donne plus d’activité à la combustion du soufre en augmentant le degré de feu ; alors sa flamme devient plus lumineuse, plus intense, et peut enflammer les matières sèches et combustibles[2] : cette flamme du soufre, quelque intense qu’elle puisse être, n’en est pas moins pure ; elle est ardente dans toute sa substance, elle n’est accompagnée d’aucune fumée et ne produit point de suie : mais elle répand une vapeur suffocante qui n’est que celle de l’acide encore combiné avec le feu fixe, et à laquelle on a donné le nom d’acide sulfureux : au reste, plus lentement on fait brûler le soufre, plus la vapeur est suffocante, et plus l’acide qu’elle contient devient pénétrant ; c’est, comme l’on sait, avec cet acide sulfureux qu’on blanchit les étoffes, les plumes et les autres substances animales[3].

    soufre, on met les terres qui sont imprégnées de cette substance dans des pots de terre, de la forme d’un pain de sucre ou d’un cône fermé par la base, et qui ont une ouverture au sommet : on arrange ces pots dans un grand fourneau destiné à cet usage, en observant de les coucher horizontalement ; on donne un feu modéré qui suffise pour faire fondre le soufre, qui découle par l’orifice qui est à la pointe des pots, et qui est reçu dans d’autres pots dans lesquels on a mis de l’eau froide où le soufre se fige.

    Après toutes ces purifications, le soufre renferme encore souvent des substances qui en rendraient l’usage dangereux, et il faut, pour le séparer de ces substances, le sublimer. (Encyclopédie, article Soufre.) — Voyez à peu près les mêmes procédés pour l’extraction du soufre des pyrites dans le pays de Liège, Collection académique, partie étrangère, t. II, p. 10 ; et dans le Journal de Physique, mai 1781, p. 366, quelques vues utiles sur cette exploitation en général, et en particulier sur celle que l’on pourrait faire en Languedoc.

  1. Le soufre volatil pèse environ cent quarante-deux livres le pied cube, et le soufre en canon cent trente-neuf à cent quarante livres. Voyez la Table de M. Brisson.
  2. Si l’on ne donne au soufre que le petit degré de feu nécessaire pour commencer à le faire brûler, sa flamme bleuâtre ne se voit que dans l’obscurité, et ne peut pas allumer les corps les plus combustibles. M. Baumé a fait ainsi brûler tout le soufre qui est dans la poudre à tirer, sans l’enflammer. Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Soufre.
  3. L’acide sulfureux volatil a la propriété de détruire et de décomposer les couleurs ; il blanchit les laines et les soies ; sa vapeur s’attache si fortement à ces sortes d’étoffes, que l’on ne peut plus leur faire prendre de couleur, à moins de les bouillir dans l’eau de savon ou dans une dissolution d’alcali fixe ; mais il faut prendre garde de laisser ces étoffes trop