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Au reste, si l’on veut distinguer l’idée du feu fixe de celle du phlogistique, il faudra, comme je l’ai dit[1], appeler phlogistique le feu qui, d’abord étant fixé dans les corps, est en même temps animé par l’air et peut en être séparé ; et laisser le nom de feu fixe à la matière propre du feu fixé dans ces mêmes corps et qui, sans l’adminicule de l’air auquel il se réunit, ne pourrait s’en dégager.

Le feu fixe est toujours combiné avec l’air fixe, et tous deux sont les principes inflammables de toutes les substances combustibles ; c’est en raison de la quantité de cet air et du feu fixe qu’elles sont plus ou moins inflammables : le soufre, qui n’est composé que d’acide pur et de feu fixe, brûle en entier et ne laisse aucun résidu après son inflammation ; les autres substances, qui sont mêlées de terres ou de parties fixes, laissent toutes des cendres ou des résidus charbonneux après leur combustion, et en général toute inflammation, toute combustion n’est que la mise en liberté, par le concours de l’air, du feu fixe contenu dans les corps, et c’est alors que ce feu animé par l’air devient phlogistique ; or le feu libre, l’air et l’eau, peuvent également rendre la liberté au feu fixe contenu dans les pyrites ; et comme, au moment qu’il est libre, le feu reprend sa volatilité, il emporte avec lui l’acide auquel il est uni, et forme du soufre par la seule condensation de cette vapeur.

On peut faire du soufre par la fusion ou par la sublimation : il faut pour cela choisir les pyrites qu’on a nommées sulfureuses, et qui contiennent la plus grande quantité de feu fixe et d’acide, avec la moindre quantité de fer, de cuivre, ou de toute autre matière fixe ; et, selon qu’on veut extraire une grande ou petite quantité de soufre, on emploie différents moyens[2], qui néanmoins se réduisent tous à donner du soufre par fusion ou par sublimation.

  1. Voyez l’introduction aux minéraux, t. II de cette Histoire naturelle.
  2. Pour tirer le soufre des pyrites, et particulièrement des pyrites cuivreuses, on forme, à l’air libre, des tas de pyrites qui ont environ vingt pieds en carré et neuf pieds de haut : on arrange ces pyrites sur un lit de bûches et de fagots ; on laisse à ces tas une ouverture qui sert d’évent, ou comme le cendrier sert à un fourneau ; on enduit les parois extérieures des tas, qui forment comme des espèces de murs, avec de la pyrite en poudre et en petites particules que l’on mouille ; alors on met le feu au bois, et on le laisse brûler pendant plusieurs mois ; on forme à la partie supérieure des tas ou de ces massifs des trous ou des creux qui forment comme des bassins dans lesquels le soufre fondu par l’action du feu va se rendre, et d’où on le puise avec des cuillers de fer ; mais ce soufre ainsi recueilli n’est point parfaitement pur, il a besoin d’être fondu de nouveau dans des chaudières de fer : alors les parties pierreuses et terreuses qui s’y trouvent mêlées tombent au fond de la chaudière, et le soufre pur nage à leur surface. Telle est la manière dont on fixe le soufre au Hartz

    Une autre manière, qui est aussi en usage en Allemagne, consiste à faire griller les pyrites ou la mine de cuivre sous un hangar couvert d’un toit qui va en pente ; ce toit oblige la fumée qui part du tas que l’on grille à passer par-dessus une auge remplie d’eau froide ; par ce moyen, cette fumée, qui n’est composée que de soufre, se condense et tombe dans l’auge…

    En Suède, on se sert de grandes retortes de fer qu’on remplit au tiers de pyrites, et on obtient le soufre par distillation ; on ne met qu’un tiers de pyrites, parce que le feu les fait gonfler considérablement : il passe une partie du soufre qui suinte au travers des retortes et qui est fort pur, on le débite pour de la fleur de soufre ; quant au reste du soufre, il est reçu dans des récipients remplis d’eau ; on enlève ce soufre des récipients, on le porte dans des chaudières de fer, où on le fait fondre, afin qu’il dépose les matières étrangères dont il était mêlé : lorsque les pyrites ont été dégagées du soufre qu’elles contenaient, on les jette dans un tas à l’air libre ; après qu’elles ont été exposées aux injures de l’air, ces tas sont sujets à s’enflammer d’eux-mêmes ; après quoi, le soufre en est totalement dégagé : mais, pour prévenir l’inflammation, on lave ces pyrites calcinées, et l’on en tire du vitriol, qu’elles ne donneraient point si on les avait laissées s’embraser ; après qu’il a été purifié, on le fond de nouveau, on le prend avec des cuillers de fer, et on le verse dans des moules qui lui donnent la forme de bâtons arrondis. C’est ce qu’on appelle soufre en canons

    Aux environs du mont Vésuve et dans d’autres endroits de l’Italie, où il se trouve du