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Il y a donc beaucoup de charbons de terre trop impurs pour pouvoir être préparés et substitués aux mêmes usages que le charbon de bois : celui qu’on pourrait appeler pur ne serait pour ainsi dire que du bitume comme le jayet, qui me paraît faire la nuance entre les bitumes et le charbon de terre ; mais dans les meilleurs charbons il se trouve toujours quelques-unes des matières étrangères dont nous venons de parler, et qu’il est difficile d’en séparer ; la qualité du charbon est souvent détériorée par l’efflorescence des pyrites martiales occasionnée par l’humidité de la terre ; comme cette efflorescence ne se fait point sans mouvement et sans chaleur, c’est toujours aux dépens du charbon, parce que souvent cette chaleur le pénètre, le consume et le dessèche. Et lorsqu’on lui fait subir une demi-combustion semblable à celle du bois qu’on cuit en charbon, l’on ne fait que lui enlever et convertir en vapeurs de soufre les parties pyriteuses, qui souvent y sont trop abondantes.

Mais, avant de parler de la préparation et des usages infiniment utiles de ce charbon, il faut d’abord en considérer la substance dans son état de nature : il me paraît certain, comme je viens de le dire, que la matière qui en fait le fond est entièrement végétale. J’ai cité[1] les faits par lesquels il est prouvé qu’au-dessus du toit et dans la couverture de la tête de toutes les veines de charbon, il se trouve des bois fossiles et d’autres végétaux dont l’organisation est encore reconnaissable, et que souvent même on y rencontre des couches de bois à demi charbonnifié[2] : on reconnaît les vestiges des végétaux non

    n’est point de charbon de terre, de quelque espèce qu’il soit, qui ne contienne une portion plus ou moins considérable d’une huile connue sous le nom de pétrole ou d’asphalte. Histoire naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 49 et suiv. — Le jayet n’est pas, comme le dit M. de Gensane, plus pesant que les charbons de terre ; il est au contraire plus léger, car les charbons de terre ordinaires ne surnagent point dans l’eau, au lieu que le jayet y surnage, et c’est même par cette propriété qu’on peut le distinguer du charbon.

  1. Voyez les Époques de la Nature, t. II.
  2. Outre les impressions de plantes assez communes dans le toit de ces mines, on rencontre fréquemment dans leur voisinage, ou dans les fouilles qu’entraîne leur exploitation, des portions de bois, et même des arbres entiers.

    M. l’abbé de Sauvages fait mention, dans les Mémoires de l’Académie des sciences (année 1743, p. 413), de fragments de bois pierreux fortement incrustés, du côté de l’écorce, d’un ou deux pouces de charbon de terre dans lequel s’était faite cette pétrification.

    Il est très ordinaire de trouver, au-dessus des mines de houille, du bois qui n’est point du tout décomposé ; mais, à mesure qu’on le trouve enfoui plus profondément, il est sensiblement plus altéré.

    À Bull près de Cologne et de Bonn, M. de Bury, fameux houilleur de Liège, en faisant fouiller dans un vallon, trouva une espèce de terre houille, qui n’était autre chose que du bois qui avait été couvert par une montagne de terre.

    Il y a plusieurs mines dans lesquelles on ne peut méconnaître des troncs et des branches d’arbres qui ont conservé leur texture fibreuse, compacte comme on en trouve à Querfurt, dont la couleur est d’un brun jaunâtre. M. Darcet a vu, dans la mine de Wentorcastle, un tronc de la grosseur d’un mât de petit vaisseau qui était implanté dans l’argile, tout à fait à l’extrémité et hors de la mine ; la partie supérieure était du vrai charbon de terre, absolument semblable à celui de la mine, tandis que la partie de dessous de ce même tronc était encore du bois et ne sautait pas en éclats comme celle du dessus ; mais elle se fendait, et la hache était retenue comme elle a coutume de s’arrêter dans le bois.

    Outre ces troncs d’arbres épars, ces débris de bois, il est des endroits où l’on ne donnait pas de mines de charbon de terre, et où l’on rencontre à une grande profondeur des amas de bois fossiles, disposés par bancs séparés les uns des autres par des lits terreux, et qui présentent en tout des soupçons raisonnables d’un passage de la nature ligneuse à celle de la houille, d’une vraie transmutation de bois en charbon de terre. Du charbon de terre, par M. Morand, pages 5 et 6. M. de Gensane cite lui-même quelques mines de charbon de terre