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on remarque quelques lames d’un feldspath blanc vitreux qui a le coup d’œil et le brillant d’une eau glacée. Ces lames sont souvent formées en parallélogrammes, et il y a des morceaux où le feldspath renferme lui-même de petites aiguilles de schorl noir[1].

Enfin, il remarque aussi très bien que les dendrites qu’on voit à la superficie de quelques basaltes sont produites par le fer que l’eau dissout et dépose en forme de ramifications.

À l’égard de la figure prismatique que prennent les basaltes, notre observateur m’en a remis, pour le Cabinet du Roi, des triangulaires, c’est-à-dire à trois pans, qu’il dit être les plus rares, des quadrangulaires, des pentagones, des hexagones, des eptagones et des octogones, tous en prismes bien formés ; et, après une infinité de recherches, il avoue n’avoir jamais trouvé du basalte à neuf pans, quoique Molineux dise en avoir vu dans le comté d’Antrim.

Dans certaines laves que M. de Saint-Fond appelle basaltes irréguliers, il a reconnu de la zéolithe en noyau, avec du schorl noir. Dans un autre bassin du Vivarais, il a vu un gros noyau de feldspath blanc à demi transparent, luisant, et ressemblant à du spath calcaire ; et ce feldspath renfermait lui-même une belle aiguille de schorl noir. « Il y a de ces basaltes, dit-il, qui contiennent des noyaux de pierre calcaire et de pierre vitrifiable de la nature de la pierre à rasoir, et d’autres noyaux qui ressemblent à du tripoli. » Il a vu, dans d’autres blocs, de la chrysolite verdâtre ; dans d’autres, du spath calcaire blanc, cristallisé et à demi transparent. D’autres morceaux sont entremêlés de couches de basaltes et de petites couches de pierre calcaire. D’autres renferment des fragments de granit blanc mêlés de schorl noir ; il y en a même dont le granit est en plaques si intimement jointes et liées au basalte que, malgré le poli, la ligne de jonction n’est pas sensible : enfin, dans la cavité d’un autre morceau de basalte, il a reconnu un dépôt ferrugineux sous la forme d’hématite, qui en tapisse tout l’intérieur, et qui est de couleur gorge de pigeon, très chatoyante. On voit sur cette hématite quelques gros grains d’une espèce de calcédoine blanche et demi-transparente : une des faces de ce même morceau est recouverte de dendrites ferrugineuses[2] ; et parmi les laves proprement dites, il en a remarqué plusieurs qui sont tendres, friables, et prennent peu à peu la nature d’une terre argileuse[3].

  1. « Ce basalte, frappé avec l’acier trempé, jette beaucoup d’étincelles… Sa croûte se dénature quelquefois et devient d’une rouge jaunâtre ; mais, au lieu de se rendre friable ou argileuse, cette espèce d’écorce semble se transformer en une autre substance, et, perdant sa couleur noire, elle ressemble alors à un granit rougeâtre : on peut même dire que ce basalte lui ressemble tellement qu’on y distingue le même grain, et qu’on y voit une multitude de points de schorl noir ; il n’y manquerait que du mica pour en faire du granit complet… Cette espèce de granit incomplet n’est point un vrai granit adhérent accidentellement à la lave, mais une lave réellement changée en granit par le temps, et dont la surface s’est décomposée. » Recherches sur les volcans éteints, par M. Faujas de Saint-Fond, p. 142.
  2. Idem, ibidem, page 166.
  3. « C’est ici un des plus intéressants passages des laves poreuses à l’état d’argile blanche, et l’on peut suivre par l’observation tous les degrés de cette décomposition : il faut pour cela que la lave se soit dépouillée de toutes ses parties ferrugineuses. Ce fer, détaché des laves par l’impression des éléments humides, a été déposé par l’eau sur les laves blanches, et elles ont formé des couches de plusieurs pouces d’épaisseur adhérentes à leur superficie ; ce fer est tantôt en forme de véritable hématite brune, dure, dont la surface est luisante ; d’autres fois, il a fait des couches de fer limoneux, tendre, friable et affectant une espèce d’organisation assez constante ; enfin le fer des laves, s’agglutinant à la matière argileuse, a formé une multitude de géodes ferrugineuses de différentes formes et grosseurs ; et, si l’on suit tous les degrés de la décomposition des laves, on les verra se ramollir et finir par se convertir en terre ferrugineuse et en argile. »